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HISTOIRE SOCIALISTE

que tandis qu’elle est uniquement occupée d’affermir le bonheur du peuple sur les bases d’une Constitution libre, les troubles et les violences qui affligent certaines provinces répandent l’alarme dans les esprits et portent l’atteinte la plus funeste aux droits sacrés de la propriété et de la sûreté des personnes…

« Déclare que les lois anciennes subsistent et doivent être exécutées jusqu’à ce que l’autorité de la nation les ait abrogées ou modifiées…

« Que toutes les redevances et prestations accoutumées doivent être payées comme par le passé jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné par l’Assemblée. »

Sous des formes plus douces, c’était la motion de Salomon. Mais comment l’Assemblée, en paraissant annoncer le remaniement au moins partiel de ces lois, et en les marquant ainsi elle-même d’un caractère provisoire pouvait-elle en imposer l’observation à un peuple souffrant et soulevé ? Il fallait prendre un autre parti, et vigoureux. Deux membres de la noblesse, le vicomte de Noailles et le duc d’Aiguillon, y aidèrent l’Assemblée. Tous les deux demandèrent qu’une grande réforme du système féodal fut immédiatement annoncée aux paysans. Il y a un haut intérêt social et moral à définir exactement la raison et la valeur de ce grand acte : peut-être, à travers les paroles des deux orateurs, pourrons-nous démêler le fond de leur âme. Écoutons-les donc : « Comment peut-on espérer d’arrêter l’effervescence des provinces sans connaître quelle est la cause de l’insurrection qui se manifeste dans le royaume ? Et comment y remédier sans appliquer le remède au mal qui l’agite ?

« Les communautés (c’est-à-dire les paroisses rurales) ont fait des demandes. Ce n’est pas une constitution qu’elles ont désiré, elles n’ont formé ce vœu que dans les bailliages : qu’ont-elles donc demandé ? Que les droits d’aides fussent supprimés, qu’il n’y eût plus de subdélégués, que les droits seigneuriaux fussent allégés ou échangés.

« Ces communautés voient, depuis plus de trois mois, leurs représentants s’occuper de ce que nous appelons, et de ce qui est, en effet, la chose publique, mais la chose publique leur paraît être surtout la chose qu’elles désirent.

« D’après tous les différends qui ont existé entre les représentants de la nation, les campagnes n’ont connu que les gens avoués par elles, qui sollicitaient leur bonheur, et les personnes puissantes qui s’y opposaient.

« Qu’est-il arrivé dans cet état de choses ? Elles ont cru devoir s’armer contre la force, et aujourd’hui elles ne connaissent plus de frein ; aussi résulte-t-il de cette disposition que le royaume flotte, dans ce moment, entre l’alternative de la destruction de la société ou d’un gouvernement qui sera admiré et vénéré de toute l’Europe…

« Pour parvenir à la tranquillité nécessaire, je propose : 1o qu’il soit dit, avant la proclamation projetée par le Comité, que les représentants de la