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HISTOIRE SOCIALISTE

discours de l’abbé Thomeret, curé de Noisy-le-Sec : il conduisait à l’Assemblée électorale du département de Paris, une délégation civique du canton de Pantin ; et au nom des délégués, il parla ainsi, le 7 janvier 1791 : « Messieurs, nous venons avec confiance au milieu de vous, persuadés que votre génie accueillera favorablement notre simplicité.

« Nous venons vous offrir l’hommage de nos vœux fraternels, vous applaudir au nom du peuple, sur les juges intègres que vous lui avez donnés ; nous réjouir d’avance des administrateurs que votre sagesse nous prépare, vous exprimer enfin combien nous sommes honorés et attendris de la communication et de la lecture de votre adresse à l’Assemblée nationale.

« Un regret s’est mêlé à notre reconnaissance : nous aurions désiré qu’en dénombrant les bienfaits de votre immortelle constitution, vous eussiez fait une mention expresse de ceux qu’elle a répandus abondamment sur les campagnes. Votre dessein fut peut-être de nous ménager à nous-mêmes une occasion touchante de manifester nos sentiments.

« De toutes les classes sociales, le peuple agriculteur était le peuple le plus outragé par nos anciennes lois : de toutes les classes sociales, le peuple agriculteur est le plus favorisé par les lois nouvelles.

« Nous les bénissons dans nos chaumières qui vont s’embellir ; nous les bénissons dans nos champs qui vont prospérer ; nous les bénissons dans nos temples qui, témoins jusqu’ici de nos calamités, vont l’être enfin de notre bonheur.

« Devenus citoyens libres et armés, la tyrannie a perdu l’espérance de nous reconquérir ; mais elle gardait celle de nous tromper. Elle nous dépeignait nos législateurs sous des traits odieux et la Révolution sous un aspect sinistre. Le bien que nous recueillons efface, anéantit le mal que l’on nous annonce ; nous voyons approcher la moisson et s’éloigner l’orage.

« Ne pouvant plus nous opprimer ni nous séduire, que fait à présent une aristocratie au désespoir ? Elle nous calomnie.

« Oui, Messieurs, elle annonce à la France, elle répète aux étrangers, que les habitants des campagnes ont reçu les bienfaits de la législation mais qu’ils rejettent ses décrets.

« Les insurrections villageoises que ces perturbateurs publics ont suscitées eux-mêmes ont donné à la patrie des moments de terreur et à la haine un horrible triomphe. Il n’a pas duré. Bientôt ont paru à découvert le zèle imposteur qui conduisait des égarés et le zèle véritable qui ramenait des patriotes ; et la nation instruite a séparé les monstres d’avec les imprudents.

« Plus près de la lumière, puisque nous sommes plus voisins de la Capitale, nous n’avons point cédé à des impulsions, perfides ; notre conduite a signalé notre civisme ; invariables dans nos principes, inébranlables dans notre fidélité, en un mot constitutionnels de cœur et de fait, pour ajouter un bon exemple à tant d’exemples solennels, nous déclarons et nous jurons :