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Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/198

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où ne subsiste plus d’autre force autonome que la force sournoise de la trahison :

« Messieurs, profondément touché des désastres qui affligent la France et du devoir que m’impose la Constitution de veiller au maintien de l’ordre et de la tranquillité publique, je n’ai cessé d’employer tous les moyens qu’elle met en mon pouvoir pour rétablir l’ordre et faire exécuter les lois. J’avais choisi, pour mes premiers agents, des hommes que l’opinion publique et l’honnêteté de leurs principes rendaient recommandables. Ils ont quitté le ministère ; j’ai cru alors devoir les remplacer par d’autres, accrédités par leurs opinions populaires. Vous m’avez si souvent déclaré, Messieurs, que ce parti était le seul qui pût remédier aux malheurs actuels, que j’ai cru devoir m’y livrer, afin qu’il ne reste aucune ressource à la malveillance pour jeter des doutes sur le désir constant que j’aurai toujours de prendre tous les moyens possibles pour opérer le bonheur de notre pays. En conséquence, je vous fais part du choix que je viens de faire de M. Roland de la Platière pour le ministère de l’intérieur, et de M. Clavière pour celui des contributions publiques. »

La loi votée par la Constituante ne permettait pas aux députés d’être ministres. C’est donc en dehors de la Législative que les ministres devaient être pris, et les chefs les plus éclatants de la Gironde ne pouvaient accéder en personne au gouvernement. Mais c’est bien sous l’influence de Brissot, secondé de l’habile Dumouriez, que la Cour fit ses choix. Dès le mardi 13 mars, Brissot pose ouvertement, dans son journal, la candidature de Dumouriez aux affaires étrangères : « Les hommes qui veulent de la vigueur des lumières et du patriotisme, désireraient y voir M. Dumouriez. »

Le jeudi 15, avant que la nouvelle fût officielle, le Patriote français écrit : « On assure que le patriote Dumouriez est nommé ministre des affaires étrangères. Jamais ministre ne se trouva dans des circonstances aussi favorables au développement de ses talents et de ses vertus civiques. M. Dumouriez n’oubliera pas sans doute qu’il est cher aux patriotes, et il ne s’en souviendra que pour penser qu’ils seront pour lui des juges d’autant plus sévères que leurs vœux l’appelaient à la place qu’il va occuper ; il se souviendra que la rigueur de la responsabilité à laquelle il va être soumis sera en raison du patriotisme qu’il a montré. »

Ces déclarations solidarisaient Dumouriez et la Gironde. C’est Brissot et Dumouriez qui vont trouver Roland pour le décider à entrer au ministère. Mme Roland nous l’apprend dans ses Mémoires : « Cependant, plusieurs députés de l’Assemblée législative se rassemblaient quelquefois chez l’un d’eux, place Vendôme, et Roland, dont on estimait le patriotisme et les lumières, fut invité à s’y rendre ; l’éloignement l’en dégoûtait ; il y alla très peu. L’un de nos amis, qui s’y trouvait fréquemment, nous apprit, vers la mi-mars, que la Cour, intimidée, cherchait, dans son embarras, à faire quelque chose