Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/246

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des Feuillants et de l’oligarchie des colons blancs. Les dispositions prises sont assez rigoureuses pour que, cette fois, le décret soit exécuté. Il est vrai que les commissaires civils sont nommés par le roi. L’Assemblée n’avait pas osé les nommer elle-même. Dans la rédaction primitive, Gensonné avait prévu cependant que les commissaires seraient pris hors de l’Assemblée mais nommés par elle. C’était l’acheminement aux délégations souveraines que donnera plus tard la Convention. Mais la Législative se récria ; et la question préalable fut votée à la presque unanimité, d’un côté par les Feuillants, qui ne voulaient pas faire une brèche irréparable au pouvoir exécutif, d’autre part par les Girondins, qui affectaient d’être rassurés sur les actes du roi par le choix des nouveaux ministres.

Merlin de Thionville, qui représentait presque seul à l’Assemblée la politique anticoloniale, qui avait demandé, au grand scandale de tous ses collègues, que les intérêts coloniaux fussent séparés des intérêts de la métropole et que Saint-Domingue payât elle-même plus tard les frais de l’expédition destinée à la secourir, Merlin s’opposa à ce que les commissaires fussent nommés par l’Assemblée. Il voulait laisser toute la responsabilité au roi ; et en même temps, il parlait, lui aussi, de sa confiance aux nouveaux ministres.

Cambon s’éleva contre la nomination par le roi. Il voulait le concours de l’Assemblée et du roi pour le choix des commissaires. « Je vois avec peine, dit-il, que les amis de la liberté concourent eux-mêmes à protéger les agents du roi parce qu’un nouveau ministère entre en fonctions. » En fait, les choix qui furent faits donnèrent satisfaction à la Gironde, puisque trois mois après, le 15 juin, Vergniaud proposa et fit adopter sans débat un décret additionnel qui accroissait les pouvoirs des commissaires civils, leur donnait le droit de dissoudre non seulement les assemblées coloniales, mais encore les assemblées provinciales et les municipalités, leur conférait le pouvoir de requérir les forces navales pour assurer leur débarquement et les revêtait d’insignes officiels destinés à rendre leur pouvoir visible. « Les commissaires civils porteront, dans l’exercice de leurs fonctions, un ruban tricolore, passé en sautoir, auquel sera suspendue une médaille d’or, portant d’un côté ces mots : la nation, la loi et le roi, et de l’autre ceux-ci : Commissaire civil. » C’est déjà l’écharpe des conventionnels envoyés aux armées.

Guadet, dans son discours, ne s’était pas borné à réfuter les rapports et les théories de Barnave à la Constituante. Il l’avait attaqué personnellement avec une véhémence extrême. Il avait dit que Barnave avait pris « pour les fureurs de Saint-Domingue les fureurs de l’hôtel Massiac », et que Barnave et Malouet étaient allés à l’hôtel de Massiac même se concerter avec les représentants des colons.

Théodore de Lameth (ses deux frères, Alexandre et Charles, ayant été