Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/469

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gnats : il m’en reste peu, et dans quelques jours j’espère qu’ils seront aussi bien placés que les autres.

« Je suis fâchée de ne pouvoir vous rassurer sur la situation de votre ami. Depuis trois jours cependant, la maladie n’a pas fait de progrès, mais elle n’en a pas moins des symptômes alarmants ; les plus habiles médecins en désespèrent. Il faut une crise prompte pour le tirer d’affaire, et elle ne s’annonce point encore ; cela nous désespère. Faites part de sa situation aux personnes qui ont des affaires avec lui, afin qu’elles prennent leurs précautions ; le temps presse. »

Et ce n’est pas à un adoucissement de la Constitution que pensent les amis et agents de Louis et de Marie-Antoinette, c’est à l’écrasement de toute l’œuvre révolutionnaire.

L’idée était venue au ministre d’Espagne, M. d’Aranda, qu’il pourrait offrir sa médiation et négocier entre la France et les deux puissances, Autriche et Prusse, avec qui elle était en guerre, une sorte de revision constitutionnelle favorable à la monarchie. C’est un projet absurde, car il supposait que la France révolutionnaire avait peur, et elle était pleine d’élan. Mais les intransigeants de la contre-révolution repoussent ce projet comme l’aurait repoussé la Révolution elle-même. Fersen écrit de Bruxelles, le 26 juin, au baron d’Ehrenswaerd, envoyé de Suède à Madrid :

« Monsieur le baron, je suis entièrement de votre avis sur la conduite que le roi de France doit tenir relativement au projet que vous supposez, avec raison à M. d’Aranda de se rendre médiateur et de modifier la Constitution. Il n’y a que les cours de Berlin et de Pétersbourg qui puissent s’y opposer ; encore l’impératrice, depuis la mort du feu roi, s’est-elle un peu refroidie de l’intérêt qu’elle portait aux affaires de France, pour faire de celles de Pologne l’objet de son intérêt le plus vif. Cependant sa vanité la force à ne pas abandonner la cause des princes qu’elle a embrassée avec tant de chaleur ; mais on ne peut pas trop compter sur celle de Vienne, et, malgré tout ce qu’elle fait, il y a lieu de croire qu’elle verrait avec plaisir s’établir une négociation où elle espère jouer un grand rôle. J’espère qu’il n’y a aucune communication directe entre le roi de France et M. d’Aranda ; cependant, comme en ce moment celle avec le roi est très difficile, et très rare, je ne puis avoir aucune certitude à cet égard.

« De tous les souverains qui s’intéressent au sort du roi de France, nul ne se conduit aussi mal que l’Espagne et aussi bien que le roi de Prusse ; il a donné les assurances les plus positives de secours ; et qu’il ne veut entendre à aucune négociation ou modification de la Constitution, mais au contraire, qu’il veut avant tout la liberté du roi, et qu’il fasse lui-même la Constitution qu’il voudra et qu’il jugera la plus avantageuse pour le royaume. Il donne 400.000 livres aux princes pour payer les troupes qui passeront, et compte leur assigner une place honorable dans les opérations qui auront lieu. Il a écrit au