Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/476

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seil en ce moment… La proclamation du roi a été imprimée par ordre du maréchal Lückner et elle a été répandue à profusion dans l’armée : M. Lameth a couru toute sa division pour engager les régiments à exprimer leur vœu sur la proclamation du roi et l’adresser ensuite au maréchal. Plusieurs régiments ont juré d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de n’entrer dans aucune disposition politique. Ils ont juré de frapper fort l’ennemi. »

L’apparition des forces prussiennes sur le Rhin, la retraite peu explicable de Lückner surexcitent le sentiment national et révolutionnaire. Visiblement la Patrie est en danger : elle est menacée à la fois du dehors et du dedans, par la contre-révolution et par l’étranger. La patrie est en danger, et la Révolution comprend qu’à proclamer ce danger de la patrie, elle soulèvera jusqu’à l’héroïsme la force des volontés. Pas de précautions dégradantes. Les âmes pusillanimes sont abattues par la vue claire du danger, elle ajoute au contraire à l’élan des âmes fortes. Proclamer que la patrie est en danger, c’est animer contre l’ennemi toutes les énergies nationales ; c’est aussi animer contre les trahisons de la Cour, toutes les énergies révolutionnaires. Ce double coup terrible, contre l’ennemi du dehors et contre l’ennemi du dedans qui ne sont qu’un même ennemi, la Révolution le porte aux premiers jours de juillet. Le 30 juin, au nom de la Commission des Douze, Debry avait apporté un projet de décret qui organisait la procédure selon laquelle le danger de la patrie devait être déclaré, et les mesures qui devaient suivre. C’est en se référant à ce projet de décret que Vergniaud, en son discours immortel du 3 juillet, résuma, si je puis dire, les angoisses de la patrie et de la liberté, et, sous les ménagements presque dérisoires d’une hypothèse qui était une affirmation, porta à la royauté et à Louis XVI le coup mortel. Admirable parole qui rompait enfin avec les hypocrisies, qui déchirait les voiles d’un faux respect et les tissus de l’intrigue, et qui mettait enfin la France et le roi en face de la vérité ! Écoutez ces magnifiques accents révolutionnaires. Il y a encore, semble-t-il, dans le discours, quelques réserves et quelques replis, mais ce sont les replis de la nuée que l’éclair illumine. Ils n’amortissent pas l’éclat de la foudre, ils semblent seulement prêter à sa splendeur terrible un dessin souple et subtil.

Il indique d’abord le moyen d’en finir avec les troubles intérieurs : « Le roi a refusé sa sanction à votre décret sur les troubles religieux. Je ne sais si le sombre génie de Médicis et du cardinal de Lorraine erre toujours sous les voûtes du palais des Tuileries ; si l’hypocrisie sanguinaire des jésuites Lachaise et Letellier revit dans l’âme de quelque scélérat brûlant de voir se renouveler les Saint-Barthélémy et les Dragonnades, je ne sais si le cœur du roi est troublé par des idées fantastiques qu’on lui suggère, et sa conscience égarée par les terreurs religieuses dont on l’environne.

« Mais il n’est pas permis de croire sans lui faire injure, et l’accuser d’être l’ennemi le plus dangereux de la Révolution, qu’il veut encourager par