Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/498

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patrie. Ils peuvent la déconcerter. Pour remplir cette tâche, ce ne sera ni le courage ni l’amour de la patrie qui leur manquera, mais il leur faudra encore toute la sagesse et toute la circonspection nécessaire pour choisir les véritables moyens de sauver la liberté et pour éviter tous les pièges que les ennemis du peuple ne cesseront de tendre à leur franchise. Les émissaires et les complices de la Cour mettront tout en œuvre pour provoquer leur impatience et pour les porter à des partis extrêmes et précipités. Qu’ils se conduisent avec autant de prudence que d’énergie ; qu’ils commencent par connaître les ressorts des intrigues ; qu’ils ménagent l’opinion des faibles en éveillant le patriotisme ; qu’ils s’arment de la Constitution même pour sauver la liberté ; que leurs mesures soient sages, progressives et courageuses.

« Ce serait une absurdité de croire que la Constitution ne donne pas à l’Assemblée nationale les moyens de la défendre, lorsqu’il est évident que l’Assemblée nationale est loin d’employer toutes les ressources que la Constitution lui présente ; il serait souverainement impolitique de commencer par demander plus que la Constitution, lorsqu’on ne peut pas obtenir la Constitution elle-même ; il serait plus impolitique encore de vouloir réclamer par des moyens en apparence inconstitutionnels, ce qu’on a le droit d’exiger, en vertu du texte formel de la Constitution.

« En suivant ce principe, on rallie les esprits timides et ignorants, on impose silence à la calomnie et on dévoile toute la turpitude des mandataires coupables, qui ne cessent d’invoquer les lois, en les foulant aux pieds.

« Pourquoi laisserais-je croire qu’il faut s’élever à ces mesures extraordinaires que le salut public autorise pour demander la punition d’une Cour conspiratrice, des généraux traîtres et rebelles, la destitution des directoires contre-révolutionnaires ; l’exécution de toutes les lois qui doivent protéger la liberté publique et individuelle, lorsque ce ne sont là que les devoirs les plus rigoureux que la Constitution impose à nos représentants ?… Citoyens fédérés, ne combattez nos ennemis communs qu’avec le glaive des lois… L’impatience et l’indignation peuvent conseiller des mesures plus promptes et plus vigoureuses en apparence, le salut public et les droits du peuple peuvent les légitimer ; mais celles-là seules sont avouées par la saine politique et adaptées aux circonstances où nous sommes.

« Il ne faut pas toujours faire tout ce qui est légitime… Ce n’est point à la tête de tel ou tel individu qu’est attachée la destinée de l’empire ; c’est à la nature même du gouvernement ; c’est à la liberté des institutions politiques. Dans un vaste état, au sein des factions, les malheurs publics ne disparaissent point avec quelques individus malfaisants et la tyrannie ne tombe point avec les tyrans. Les mouvements partiels et violents ne sont souvent que des crises mortelles. Avant de se mettre en route, il faut con-