Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/525

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personnellement responsables de tous les événements, sur leurs têtes, pour être jugés militairement, sans espoir de pardon, tous les membres de l’Assemblée nationale, du département, du district, de la municipalité et de la garde nationale de Paris, les juges de paix et tous ceux qu’il appartiendra ; déclarait en outre leurs dites Majestés, sur leur foi et parole d’empereur et roi, que s’il est fait la moindre violence, le moindre outrage à Leurs Majestés le roi, la reine et à la famille royale, s’il n’est pas pourvu immédiatement à leur sûreté, à leur conservation et à leur liberté, elles en tireront une vengeance exemplaire et à jamais mémorable, en livrant la ville de Paris à une exécution militaire et à une subversion totale et les révoltés coupables d’attentat aux supplices qu’ils auront mérités. Leurs majestés impériale et royale promettent au contraire aux habitants de la ville de Paris d’employer leurs bons offices auprès de Sa Majesté Très Chrétienne pour obtenir le pardon de leurs torts et de leurs erreurs, et de prendre des mesures les plus vigoureuses pour assurer leurs personnes et leurs biens s’ils obéissent promptement et exactement à l’injonction ci-dessus. »

Ainsi les alliés menaçaient de pendre ou de passer par les armes toute la France révolutionnaire, ses soldats, ses représentants, ses administrateurs, ses citoyens. Ce ne sont pas les lois de la guerre qu’ils se proposent d’appliquer aux Français : ils ne les considèrent pas comme des ennemis, mais comme des rebelles ; et c’est du point de vue du roi de France, c’est au nom de sa légitimité qu’ils se préparent à piller, à incendier, à saccager.

Menace puérile par son étendue même. Car ils n’auraient pu l’appliquer sans faire de la France un immense charnier d’où un souffle de peste et de mort se serait répandu sur l’Europe, empoisonnant d’abord le sang des envahisseurs !

Mais menace funeste pour Louis XVI, puisqu’en somme c’est lui qui, aux yeux de la nation française, devenait responsable de toutes les violences exercées ou méditées contre elle ! Ce manifeste ne pouvait avoir que deux effets : ou bien aplatir d’un coup toute la France révolutionnaire dans la plus lâche terreur, ou bien surexciter la haine du peuple contre le roi. Or, il fallait toute la frivolité des émigrés, tout l’aveuglement de la contre-révolution pour croire un instant que la France nouvelle prendrait peur.

Le manifeste était donc absurde, mais il était la conséquence logique et nécessaire de la guerre elle-même. Du moment que le roi appelait l’étranger pour rétablir son autorité, c’est le roi lui-même, sous le couvert et par les mains de l’étranger, qui faisait la guerre à son peuple. C’est donc en rebelles et non en belligérants que les hommes de la Révolution devaient être traités.

C’est en vain que les royalistes modérés, épouvantés après coup de l’effroyable responsabilité que ce manifeste faisait peser à jamais sur la monarchie, ont prétendu qu’il dépassait les intentions du roi, qu’il était con-