Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/528

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Mais il ajouta à l’effervescence des esprits et il donna à la Révolution un titre de plus pour réclamer la déchéance, et pour l’imposer.

Il acheva certainement, entre le 1er août où il parut, et le 3 août où Pétion s’avança à la barre de l’Assemblée, d’entraîner les hésitants, de vaincre dans les sections les résistances des modérés, les intrigues des royalistes, et il porta au plus haut point l’animation, la force morale de l’Assemblée des commissaires de sections réunis à la Maison commune.

Chaumette témoigne, avec une évidente sincérité, et une candeur passionnée, de cet enthousiasme des sections, du sentiment toujours plus grand qu’elles avaient de leur rôle libérateur.

« À cette époque, écrit-il dans les Mémoires qu’a publiés M. Aulard (mais quelle est la partie de l’histoire de la Révolution que M. Aulard n’a pas éclairée de lumières nouvelles ?) à cette époque, la majorité des sections de Paris assembla, à la Maison commune, des commissaires pour discuter la grande question de la déchéance du roi, et présenta à l’Assemblée nationale une pétition y tendant.

« Les royalistes mirent tout en usage pour dissoudre cette réunion ou du moins la neutraliser en la divisant. Mais le bon esprit qui animait la grande majorité de ces commissaires, leur fermeté et la résolution qu’ils avaient prise de sauver la patrie rendirent nuls tous les efforts des aristocrates, des brouillons ou des peureux qui s’étaient glissés parmi eux.

« Qu’elle était grande, cette Assemblée ! Quels élans sublimes de patriotisme j’ai vu éclater lors de la discussion sur la déchéance du roi ! Qu’était l’Assemblée nationale avec toutes ses petites passions, son côté du roi, ses gladiateurs, ses défenseurs de Lafayette, ses indécisions continuelles, ses petites mesures, ses décrets étranglés au passage, puis écrasés par le veto, qu’était, dis-je, cette Assemblée en comparaison de la réunion des commissaires des sections de Paris ?

« Là, on eût dit des légistes acharnés à disputailler sans cesse sous le fouet des maîtres des écoles du droit, n’osant pas s’élever jusqu’à secouer leurs chaînes et se déterminer enfin à avoir une fois raison. Ici, au contraire, on discutait fraternellement, souvent avec chaleur, au milieu des plus beaux mouvements d’éloquence et toujours avec bonne foi, les raisons pour et contre la déchéance. On posait pour ainsi dire les bases de la République. C’était au milieu de ces discussions si intéressantes que se passaient de ces événements propres à caractériser les membres de cette Assemblée.

« On en vit se dévouer aux poignards et aux assassinats juridiques en offrant d’imprimer, afficher eux-mêmes et garder contre les déchirements des placards propres à mûrir l’opinion publique et à dévoiler les crimes de la Cour.

« Je ne passerai pas sous silence le trait suivant, il mérite d’être remarqué. La Cour, de concert avec l’infâme directoire du département de Paris,