Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/455

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où se réunissaient les représentants des princes et des villes, n’avait qu’un semblant de vie. On n’y discutait même plus ; les princes ne prenaient plus la peine d’y venir en personne : ils y faisaient connaître leur volonté par des mémoires que lisaient leurs secrétaires et, naturellement, de cet échange protocolaire de pensées diverses et confuses qui se refusaient à toute délibération et à toute adaptation, aucun mouvement ne pouvait naître.

J.-J. Rousseau, adolescent.
(D’après un tableau du musée des Charmettes.)


Les Allemands cherchaient à se consoler de leur impuissance à se créer une vie nationale en se disant que par là ils vivaient plus librement d’une vie humaine. Gœthe, en deux vers qui constataient cette radicale incapacité, disait aux Allemands :

« C’est en vain que vous espérez, vous, Allemands, former une nation. Mais c’est une raison de plus pour vous de devenir des hommes libres : et cela, vous le pouvez. »

Illusion puérile et mensonge des mots ! Car comment séparer l’homme du citoyen, du producteur ?

Comment l’homme peut-il être libre, si le citoyen est opprimé, si le producteur est chargé d’entraves ? Pour libérer « l’homme », il fallait à l’Allemagne comme à la France une révolution ; or cette révolution n’était possible que par un mouvement concerté et vaste, et ce mouvement même supposait une vie nationale puissante et une.