Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/174

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commettants ; nous vous les apportons, pour que vous leur imprimiez, en les adoptant, un grand caractère. Nous venons, sans crainte de vous déplaire, jeter la lumière sur vos erreurs, et vous montrer la vérité. Un orateur vous a dit à cette tribune : « Si vous décrétez des entraves à la circulation des « subsistances, vous décrétez la haine. » Mais mettre un frein aux abus, est-ce entraver les subsistances ?

« Vous vous êtes plaint des mouvements du peuple sur l’augmentation du prix des subsistances, plusieurs les ont attribués à l’agiotage infâme des monopoleurs ; ceux-là avaient raison ; cependant ils n’ont pas été écoutés ; d’autres ont indiqué comme remèdes à ces abus la surveillance des municipalités. Eh ! comment voulez-vous que des municipalités marchandes se surveillent, se dénoncent elles-mêmes ? Nous regrettons qu’un de vos membres, rangé du côté des prétendus philosophes, se soit écrié qu’il était affligeant pour la liberté de voir arracher le grain aux cultivateurs ; il a crié à la violation de la propriété, mais on n’arrache pas ce que l’on paie à un prix raisonnable. Ils ne voient donc pas, ces prétendus philosophes, ces amis de la liberté absolue du commerce des grains, qu’en enchérissant le pain du pauvre, ils n’enrichissent que d’avides spéculateurs ? Ignorent-ils que dans le commerce des grains il existe des abus qu’il faut réprimer, si l’on ne veut pas que le peuple meure de faim ? Quelques-uns se sont bornés à proposer de faire des proclamations propres à éclairer le peuple, mais est-ce avec des proclamations qu’on peut apaiser ceux qui ont faim ?

« Citoyens législateurs, levez bien plutôt le voile, contemplez la misère affreuse d’une infinité de familles qui pleurent dans la solitude, et qui vous demandent d’essuyer leurs larmes. Vous avez décrété la libre circulation des grains ; mais la cessation des abus a échappé à votre sollicitude. On vous a dit qu’une bonne loi sur les subsistances est impossible. C’est donc à dire qu’il est impossible de régir les États quand les tyrans sont abattus. Citoyens, vous êtes ici constitués pour notre salut ou pour notre perte ; vous voudrez, sans doute, notre salut. Eh bien ! vous n’aurez rien fait pour notre salut tant que vous ne frapperez pas les économistes qui abusent des avantages de la loi pour s’enrichir aux dépens du pauvre. Ah ! qui doute de l’existence de la mort quand toutes les sources de la vie sont épuisées ? On vous a dit qu’une bonne loi sur les subsistances est impossible, c’est à dire qu’il faut désespérer de votre suprême sagesse.

« Nous, députés des 48 sections de Paris, nous qui vous parlons au nom du salut de 84 départements, nous sommes loin de perdre confiance dans vos lumières. Non, une bonne loi n’est pas impossible ; nous venons vous la proposer, et sans doute vous vous empresserez de la consacrer ! Encore une fois, vos principes sur les subsistances ont-ils atteint votre but ? Sommes-nous mieux après votre loi qu’auparavant, quand le peuple crie famine au milieu de l’abondance et qu’on ne lui présente aucune consolation ? Écoutez-nous,