Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/190

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M. Thiers a bien vu que l’action de Marat, en ces journées, n’avait été que superficielle. Mais il ne nomme même pas Jacques Roux dont il a parlé cependant à propos de la mort de Louis XVI.

Michelet a une admirable intuition des forces secrètes et profondes qui cheminent sous la Révolution. Il a, d’une façon générale, très bien démêlé le rôle de Jacques Roux. Il a bien vu « ce germe obscur d’une Révolution inconnue dont la révélation plus claire se marqua plus tard dans Babeuf ». Mais il n’a pas aperçu les premiers tressaillements de ce germe. Jacques Roux, dans Michelet, est tout à fait absent de la journée du 25 février. Michelet s’étant figuré, à tort, que « la foule, docile à son apôtre » a suivi Marat le 25 février, il ne reste plus place ce jour-là pour Jacques Roux.

Et pourtant, Jacques Roux, en ce jour du 25 février, prit très haut ses responsabilités. Le procès-verbal de la séance de la Commune (Moniteur universel du 28 février) est décisif :

« Cuvillier, l’un des commissaires envoyés dans les sections, rend compte de sa mission, et annonce que dans la section des Gravilliers il a vu Jacques Roux, prêtre, et membre du Conseil, occupé à justifier la conduite de ceux qui s’étaient attroupés pour se faire délivrer les marchandises qu’ils avaient arbitrairement taxées.

« Jacques Roux qui venait d’arriver au Conseil, monte à la tribune et dit qu’il a toujours professé les vrais principes, et que, dût-il être appelé le Marat du Conseil général, il ne s’en départira jamais.

« Un membre demande que Jacques Roux soit tenu de signer la déclaration qu’il vient de faire.

« Un autre l’interpelle de déclarer pourquoi il n’était pas à son poste dans le moment du danger (Il s’élève du tumulte). Les circonstances ne permettant pas de s’occuper de personnalité, le Conseil général a passé à l’ordre du jour sur tout ce qui concernait Jacques Roux.

« La plupart des commissaires envoyés dans les sections rendent compte de leur mission. Partout, les résultats sont les mêmes ; partout on demande une loi sévère contre les accapareurs. »

D’après les Révolutions de Paris, il dit brutalement ce soir-là, au Conseil de la Commune :

« Je pense, au surplus, que les épiciers n’ont fait que restituer au peuple ce qu’ils lui faisaient payer beaucoup trop cher depuis longtemps. »

C’est sur lui que se portent les premières colères :

« Le Conseil général de la Commune (séance du 27 février), a ordonné l’insertion dans son procès-verbal d’un arrêté par lequel la section des Piques invite ses frères de la section des Gravilliers à censurer son représentant à la Commune, Jacques Roux, pour avoir, dans la journée du 25 de ce mois, prêché au Conseil général la dissolution de tous les principes, en légitimant les