Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/259

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ployées contre eux, et l’on n’épargnera pas surtout les Belges qui ont été à Douai ;

« 4o En conséquence, tous les emplois, toutes les places seront résignés aux plus chauds partisans du parti vonckiste, comme des hommes sûrs dont les chefs sont dans le secret ;

« 5o Le général Dumouriez cessera les états et la Constitution, et emploiera tous ses moyens pour supprimer les abbayes ;

« 6o Sa Majesté le roi de France étant sauvée, alors le général Dumouriez évacuera les Pays-Bas sous quelque prétexte, et les troupes de Sa Majesté Impériale s’en empareront, pour entrer en France aussitôt que cela se pourra faire sans danger pour Sa Majesté le roi de France. »

Et le triple académicien Tompson ajoute :

« Toute la Belgique, toute la France savent si cette convention s’exécute : elle a coûté à la France onze mille patriotes égorgés à Jemmapes. »

Prodigieuse élucubration où se combinent contre Dumouriez les soupçons des révolutionnaires français et les haines des cléricaux belges qui lui reprochent de n’avoir pas d’emblée rétabli tout le despotisme catholique entamé par Joseph II ! Ce qu’il y a de curieux c’est que ce papier où l’invention va jusqu’à l’ineptie n’est qu’une variante et un spécimen poussé à la charge des nombreux projets de traité que les émigrés et les diplomates d’occasion commençaient à faire circuler dans les cours.

Comment Marat pouvait-il concilier l’accusation qu’il porte contre Dumouriez d’avoir fait le jeu des prêtres en Belgique avec le reproche que lui fait le clérical Tompson d’avoir « supprimé les abbayes » ? Mais surtout comment, après de tels articles, après de telles dénonciations, Marat pourra-t-il résister, au commencement de mars, à ceux qui veulent immédiatement révoquer Dumouriez ? Et pourtant, il l’osa, au risque de retourner contre lui-même les colères qu’il ameutait depuis des mois contre le général. En fait, même quand il l’accusait avec le plus de véhémence, Marat n’avait jamais demandé que Dumouriez fût rappelé brusquement. Il semblait s’attacher surtout à guérir le peuple de son engouement pour le vainqueur de Valmy et de Jemmapes : il voulait préparer et rendre possible le rappel de Dumouriez. Il ne voulait pas s’exposer à désorganiser l’armée, en lui retirant en pleine bataille un chef en qui elle avait encore confiance. Mais surtout il s’était fait en Marat depuis deux mois une sorte de détente. S’il avait été un hypocrite, si les craintes parfois forcenées et folles qu’il exprimait sur la marche de la Révolution n’avaient pas été sincères, il aurait continué, après le 21 janvier, à déclamer ses fureurs. Mais il était de bonne foi, et il lui parut que la mort du tyran était, pour toute la contre-révolution, un coup mortel ; et que si l’intrigue pouvait atténuer encore les effets de ce grand événement, elle ne saurait les détruire. C’est sans aucun mélange de joie cruelle ou de férocité,