Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gardes ne daigna pas se gêner le moins du monde pour me faire place à ses côtés, et je fus réduit à l’humiliation de courir de droite et de gauche pour chercher un bout de banc libre. Ô ciel ! tout est bouleversé dans mon empire ; il n’y a plus moyen d’y tenir, me voilà bien déterminé à donner ma démission dictatoriale, à moins que le commissaire de ma section, qui a reçu ma plainte, ne fasse droit à ma requête, en rétablissant mon autorité. »

C’est un vif éclair de gaîté sur ce visage si inquiet ; mais cet empressement familier et amical de la Montagne, Marat ne voudra plus y renoncer. Ces mains tendues de patriotes, il ne voudra plus qu’ils les retirent, et si des brouillons, des enragés entreprennent la lutte contre la Montagne elle-même, il les dénoncera furieusement. Son influence s’étend peu à peu sur la Montagne ; il dit, le 3 février :

« On ne peut que rendre justice à l’énergie civique qu’a déployée Cambon depuis quelque temps. « Le voilà maratisé » me disaient mes collègues de la Montagne. Tant mieux pour lui, le public témoin de ses efforts le comble déjà d’éloges, et croyez que le pilote maratiste, dont la faction Roland avait fait une injure, deviendra un titre d’honneur, car il est impossible, sans être maratiste, d’être un patriote à l’épreuve, un vrai défenseur du peuple, un martyr de la liberté. » Mais comment souffrirait-il que la Montagne fût attaquée au moment même où elle se « maratise » ?

Contre le mouvement des Enragés, Marat avait trois objections essentielles. D’abord il leur reprochait de substituer à l’action légale grandissante de la Montagne une agitation désordonnée qui permettait aux rolandins de parler de complots. Et il ne leur pardonnait pas d’injurier la Montagne, surtout la députation de Paris, quand celle-ci refusait de se solidariser avec eux. C’est pourquoi il avait combattu violemment les délégations révolutionnaires de février. « Son discours, dit-il, le 11 février, dans une adresse aux bons citoyens des sections de Paris, « avait pour but de détourner de dessus la Montagne, et surtout de dessus la députation de Paris l’imputation du complot dont les pétitionnaires des sections étaient l’aveugle instrument. »

Et il terminait son appel par ces mots :

« Ces recherches (sur la qualité et le civisme des délégués) regardent particulièrement les sections de Paris dont les pétitionnaires ont compromis l’honneur. J’aime à croire que les bons citoyens de toutes les sections de Paris, tous pénétrés des bons principes, de l’amour de l’ordre et du respect dû aux représentants du souverain, s’empresseront de désavouer des faussaires qui les faisaient parler en insensés et en factieux. »

Dans le numéro qui porte la date « du dimanche 25 février », mais qui est du dimanche 24, Marat attaque de nouveau les pétitionnaires :

« Plusieurs sections ont improuvé pareillement leurs commissaires de s’être laissés séduire par les intrigants qui ont rédigé la pétition insensée. À peine furent-ils éconduits de la Convention, que les plus intrigants se répandirent