Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/282

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son système : et il voulait la même énergie dans l’exécutif que dans le judiciaire. Récemment encore, dans son numéro du 8 février, il rappelait la nécessité d’une action ramassée, rapide et secrète.

« C’est, disait-il, un des plus grands vices du gouvernement démocratique, que la lenteur et la publicité de toutes ses opérations : lenteur et publicité qui compromettent toujours le salut public, lorsqu’ils sont en guerre avec des États despotiques, dont la célérité et le secret des opérations est le caractère distinctif. Ces vices tiennent à l’essence même de cette forme de gouvernement. Dans une démocratie, tous les hommes étant égaux et jouissant des mêmes droits politiques, sont nécessairement jaloux les uns des autres ; or, le jeu de cette petite passion dans le Sénat national empêche le législateur de confier à aucun citoyen des pouvoirs illimités, surtout pour des opérations secrètes : quelques précautions d’ailleurs que l’on puisse prendre pour empêcher les abus d’autorité, et quelque peine qu’on puisse décerner pour les punir.

« C’est cette basse passion, autant que les trames des membres antipatriotes, qui a empêché de former dans la Convention un comité secret de trois membres avec plein pouvoir de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer des machinations des ennemis publics, et saisir leurs papiers. C’est cette basse passion autant que l’intrigue, qui a empêché la Convention de charger deux de ses membres les plus instruits de faire un plan de constitution : ouvrage qui ne peut même être bien fait qu’autant qu’il est fondu d’un seul jet dans la même tête. C’est cette basse passion qui a porté la Convention à former des comités si nombreux pour n’en faire rien, et qui a multiplié si ridiculement les membres des corps administratifs ; car tous les intrigants de l’État ont été en l’air pour briguer les emplois et devenir fonctionnaires publics, c’est-à-dire pour devenir oppresseurs et vampires du peuple. Cette épidémie politique, qui a de si grands inconvénients chez les peuples qui ont des mœurs, doit en avoir de cruels chez une nation corrompue par treize siècles de despotisme, en proie à tous les vices et remplie d’intrigants, d’hypocrites, de fourbes, d’escrocs, de fripons, de traîtres et de machinateurs, couverts d’un faux masque de civisme. Nous ne voyons encore que les premières ronces de ces funestes semences ; mais bientôt elles couvriront le champ de la liberté, et elles étoufferont avant leur maturité les heureux fruits que nous pouvons attendre, si une main hardie ne s’empresse de les arracher. »

Avec cette conception presque dictatoriale de tout le pouvoir révolutionnaire, Marat abondait dans la politique de concentration des forces que préconisait Danton dans la crise de mars.

Ce que Danton demande à la Convention, c’est d’abolir la dualité du pouvoir délibérant et du pouvoir exécutif : c’est de prendre elle-même le pouvoir et d’exercer le ministère. Il avait vu à quelle perte de forces et de temps aboutissaient les perpétuels conflits du conseil exécutif provisoire et des co-