Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/291

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anarchistes auraient la prétention de mettre la main sur le héros victorieux qui a sauvé la patrie !

« Robespierre et Danton ont comblé d’éloges Dumouriez, Dumouriez que leur ami Marat ne cesse de peindre comme un traître, Dumouriez que les Jacobins ne cessent de poursuivre, Dumouriez dont chaque succès est représenté comme une perfidie. Quel est le but de cette nouvelle mascarade ? Le voici ; Dumouriez est trop élevé par son courage, par son génie, par ses victoires au-dessus de la faction anarchiste pour qu’elle espère le renverser. Elle croit, par d’indignes flagorneries, mettre dans son parti un homme qu’elle craint : elle le flatte parce que les héros du 2 septembre n’osent pas se mesurer avec le héros du 20 septembre ; mais leur espérance est folle : Dumouriez ne mêlera pas ses lauriers avec leurs cyprès. Dumouriez aime la gloire, il ne voudra pas partager leur infamie, Dumouriez aime la patrie, il la sauvera avec les républicains, il ne voudra pas la perdre avec les anarchistes. »

Détestables paroles qui retentirent douloureusement au cœur de Danton.

C’est donc chose convenue : Dumouriez ne peut être qu’à la Gironde. Réclamez-le bien, ô insensés ! Gardez-le tout pour vous, afin que demain sa trahison ne soit qu’à vous !

De même, qu’oppose la Gironde, dans son ensemble, au tribunal révolutionnaire ? Rien, aucune objection de principe.

Il y a bien quelques arguties sur le détail de la procédure.

Mais la Gironde ne dit pas, elle ne peut pas dire que la Révolution menacée de toute part, n’aura pas de moyen légal de se défendre, qu’elle sera réduite ou à tolérer toutes les intrigues contre la liberté et la patrie, ou à en abandonner la répression à la justice aveugle et sanglante de la rue. Elle ne peut pas dire cela : et elle avoue même qu’elle ne combat pas le principe du tribunal révolutionnaire ; mais elle se donne, par des chicanes multipliées, l’apparence d’avoir voulu désarmer la Révolution.

Et puis, tout à coup, avec sa légèreté accoutumée, elle se résigne, ou même se réjouit. Pourquoi ? Parce qu’elle a fait entrer dans le tribunal révolutionnaire un certain nombre d’hommes qu’elle croit à elle (Patriote Français, numéro du 14 mars) :

« Ce tribunal extraordinaire qui, dans les vues de ses inventeurs, devait être un instrument de despotisme, servira à consolider la liberté, en la défendant, et contre les anarchistes qui la souillent et contre les aristocrates qui s’efforcent de la détruire. La composition de ce tribunal est telle qu’aucun patriote n’a à craindre les vices de son organisation. »

Voilà la Gironde réconciliée avec le tribunal révolutionnaire parce qu’elle espère s’en servir contre les Montagnards ! Et quels sont les noms qui la rassurent ainsi ? Ô ironie ! l’homme désigné comme substitut de l’accusateur