Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/300

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« …La régie nationale est le fléau le plus meurtrier. Tous les colons, fermiers, régisseurs de biens d’émigrés, qui ont payé l’imposition entière de 1791, ne peuvent obtenir le remboursement de la portion due par les propriétaires, les receveurs refusent impitoyablement de payer, et l’on appelle ces refus des vexations…

« …Les fermiers des droits casuels et des droits fixes en argent n’ont rien perçu ; les fermiers des droits incorporels en nature ont éprouvé des réductions considérables ; cependant la régie décerne impitoyablement des contraintes contre ces fermiers pour la totalité de leurs prix de ferme…

« Les acquéreurs des biens nationaux ont sans doute acquis pour jouir : eh bien ! ils ne jouissent pas, ni peut-être ne jouiront de longtemps. Les receveurs de l’enregistrement, qui tous ont connaissance des ventes nationales, qui les enregistrent, ont très certainement connaissance de toutes les aliénations qui ont été faites ; mais parce que la presque totalité des biens vendus s’est trouvée affermée avec des biens incorporels, ils ont délicatement reçu les prix de ferme entiers, et les acquéreurs ont eu une recette bien faible…

« Je finis, citoyens, par une dernière réflexion que les circonstances du moment produisent. Depuis que le procès de Louis Capet est commencé, le peuple des campagnes murmure plus vivement. On lui a parlé de la création de nouveaux bataillons… Hier soir, la nouvelle du jugement de Louis Capet fut mal reçue. Au club des Amis de la liberté, de certains personnages osèrent traiter de brigands et de scélérats les législateurs qui avaient condamné Louis à la mort. Ce matin, on a remarqué sur tous les visages un air sombre et consterné. »

Mais c’est quand la Révolution, en lutte avec l’Europe, fut obligée, en effet, de faire appel à de nouveaux soldats et de recruter de vastes armées, que l’égoïsme des paysans dans la Loire-Inférieure, dans le Maine-et-Loire, dans les Deux-Sèvres, dans la Vendée, se souleva jusqu’à la fureur. Dès les premiers jours de mars, les administrateurs de la Vendée, craignant un débarquement des Anglais et des émigrés, tentent de réorganiser les gardes nationales et se heurtent, dans un grand nombre de paroisses, à une résistance très vive. Le tocsin sonne : les paysans se rassemblent par bandes et vont courant les villages pour exciter partout les colères. Les détachements des gardes nationaux patriotes sont enveloppés, et les troubles de Beaulieu, les émeutes du district de Challans annoncent la « grande insurrection ». Les paysans ne veulent pas de « conscription », ils ne veulent pas de « tirage au sort ».

« Pas de tirement ! — Malheur à qui annoncera la milice ! »

Tous les villages étaient debout : et de métairie en métairie couraient les propagateurs de guerre civile. Tout d’abord la tactique des nobles fut de se réserver, d’attendre. Certes, ils n’étaient pas restés inactifs : tous ceux qui, depuis le Dix-Août, étaient revenus dans leur gentilhommière avaient travaillé