Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/315

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tres redevances, qui se payaient en nature, devaient « continuer à être payés de la même manière qu’en 1790 ». Sans doute, les fermiers et propriétaires jouissant par eux-mêmes, étaient autorisés à « lever tous les fruits de leur récolte, sans en laisser aucune partie sur les champs sujets aux droits et redevances ». Mais il leur était enjoint « de faire déclaration sincère et exacte des fruits qu’ils auraient dû laisser sur les terres pour l’acquit des dîmes », afin de rendre compte de ces fruits « dans le cas où le Roi, l’Église et les ordres de l’État le jugeraient à propos, si mieux n’aimaient se libérer tout de suite, en payant sur quittance. » Les dîmes perçues et les revenus des anciens biens ecclésiastiques étaient affectés « aux frais du culte catholique, apostolique et romain, et au traitement de ses membres. » (Voir Chassin.)

Ainsi, ce n’était pas seulement le rétablissement éventuel des dîmes : elles étaient rétablies en fait, puisque les cultivateurs en étaient, même pendant cette période de crise, comptables à l’Église et au roi, et qu’un terrible passif s’accumulait sur eux d’année en année. Selon le code des pays insurgés « les titulaires de bénéfices résidant dans le pays conquis étaient maintenus dans la jouissance desdits bénéfices, nonobstant toute vente ou aliénation faite en vertu des décrets de l’Assemblée nationale. Ils ne pouvaient cependant résilier les baux et expulser les fermiers.

« Les acquéreurs des biens nationaux n’étaient maintenus dans la jouissance desdits biens que d’une manière provisoire, et comme fermiers ou régisseurs comptables envers les titulaires résidant dans le pays conquis. Les baux étaient maintenus jusqu’à leur échéance. Les fermages des biens nationaux, dont les titulaires ou anciens propriétaires né résidaient pas dans le pays, étaient payés au trésorier de l’armée. »

À vrai dire, quand les paysans connurent ces dispositions, quand ils commencèrent à comprendre que, sous prétexte de défendre la religion, la noblesse la plus égoïste et le clergé le plus avide voulaient les dépouiller à nouveau, il y eut des murmures, et au témoignage de Mercier du Rocher, ils allaient disant : « Nous ne sommes pas mieux traités d’un côté que de l’autre ». Mais ce n’est qu’au bout de quelques mois que les chefs, prêtres et nobles, se risquèrent à faire connaître tout leur plan de contre-révolution. Et tout d’abord, les paysans, stupides de fanatisme grossier et exaspérés contre le recrutement, marchaient sans hésitation au combat.

Ah ! de quel péril les cités patriotes et révolutionnaires de l’Ouest sauvèrent la patrie et la liberté ! Si les bourgeois de Fontenay, de Nantes, des Sables-d’Olonne avaient fléchi, s’ils n’avaient pas gardé « la contenance de fermes républicains », si les bandes vendéennes avaient pu saisir d’emblée le grand port de la Loire, Nantes, et le port sur l’Océan, les Sables-d’Olonne, l’attention des émigrés et des Anglais aurait été appelée aussitôt sur le soulèvement de l’Ouest, et l’Anglais aurait abordé les côtes de France à l’heure même où l’Autrichien menaçait ses frontières du Nord. Mais, en Vendée, ces