Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/327

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de Dumouriez, des proclamations rappelant les soldats patriotes au respect de la loi, à la défense de la Révolution et de la patrie. Les volontaires que Dumouriez n’avait pas eu le temps de séparer des troupes de ligne, entraînèrent celles-ci vers le devoir ; et Dumouriez, sentant que son armée chancelante se livrerait à la Convention, alla d’un galop se livrer aux Autrichiens. La trahison était consommée.

Que la France ne s’affole pas : la fidélité même de cette jeune armée soumise à une si redoutable épreuve, et dont les yeux, encore éblouis de Valmy et de Jemmapes, s’ouvrent cependant à la vérité, est un réconfort et une espérance. Mais surtout que la Révolution ne se divise pas et que, dans cette commune épreuve, elle refasse l’unité des cœurs !

Mais voici que gronde l’orage des querelles civiles. Contre les Girondins, le mouvement, à peine dessiné au commencement de mars, se déchaîne. Les Enragés, ceux qui avaient dénoncé la trahison de Dumouriez à une heure où Danton, Robespierre, Marat lui-même, le défendaient, triomphent. Ils agissent aux Cordeliers, aux Jacobins. Assez d’hésitation ! assez de faiblesse ! Il ne suffit pas de frapper le traître. Il faut frapper cette Gironde qui a fomenté et protégé la trahison. Marat se jette de nouveau à l’avant-garde du mouvement révolutionnaire. Il dit aux Jacobins, le 27 mars :

« Que toutes les sections de Paris s’assemblent pour demander à la Convention si elle a des moyens de sauver la patrie, et qu’elles déclarent que, si elle n’en a pas, le peuple est disposé à se sauver lui-même. »

Robespierre résiste encore à tous les courants de violence. Il veut qu’on en finisse avec la Gironde, mais par des moyens légaux. Il ne veut pas qu’on touche à la Convention, qu’on la violente ou qu’on la mutile. Mais il croit l’heure venue de réduire à l’impuissance politique absolue les Girondins.

« La Convention doit se lever aussi. Elle doit donner au peuple le signal de se lever contre les ennemis intérieurs. Elle s’endort au bruit des voix enchanteresses de quelques intrigants. Ils veulent dégrader la Convention, la mettre dans l’impuissance de faire le bien, pour la dissoudre. Il faut que le peuple sauve la Convention, et la Convention sauvera le peuple à son tour.

Quand je propose des mesures fermes et vigoureuses, je ne propose pas ces convulsions qui donnent la mort au corps politique. Je demande que toutes les sections veillent et s’assurent des mauvais citoyens, sans porter atteinte à l’inviolabilité des députés. Je ne veux pas qu’on touche à ces fragments de la représentation nationale ; mais je veux qu’on les démasque, qu’on les mette hors d’état de nuire.

« Il faut présenter à la Convention, non pas de vaines formules, que les ennemis de la patrie attendent, parce qu’elles secondent leurs projets ; mais il faut lui présenter le tableau énergique des malheurs publics, des trahisons de tout genre qui compromettent les succès de nos armes. Quelles sont ces mesures ? Les voici : il est impossible que nous puissions dompter nos enne-