Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/330

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général royaliste. Le système de Danton était, en effet, de provoquer, à quelque prix que ce fût, un mouvement tumultueux dans Paris, de frapper la Convention, de la dissoudre en tout ou en partie : son but était de fournir à Dumouriez un prétexte de diriger son armée sur Paris en la faisant précéder d’une proclamation aux départements sur la nécessité de réparer le mal causé par la violation de la représentation nationale… Un pareil système était d’autant plus perfide que les trois orateurs de ce parti ne cessaient de parler de la coalition du côté droit avec Dumouriez.

« Cependant, ce général agissait pour d’Orléans ; d’Orléans était le député du corps électoral robespierriste ; d’Orléans n’était pas étranger aux intrigues de Danton, et moins encore à celles de Marat. D’un autre côté, il y avait des rapports intimes de correspondance entre Dumouriez et Gensonné. Tout cela me donnait à penser, et je ne savais en moi-même que me défier de tous ces chefs des deux partis contraires. »

C’est, en ce qui touche Danton, un roman presque aussi absurde que celui de Salle ; mais c’est l’indice des défiances qu’il inspirait, c’est le signe de l’efficacité des calomnies amoncelées contre lui. Barère, dans ses Mémoires, revient sur ce sujet :

« D’un côté, la Belgique était le premier objet de la convoitise de Danton et de Lacroix pour acquérir des richesses et se rendre maîtres de la Révolution à Paris ; de l’autre, le principal objet du parti Gensonné et Brissot était d’avoir à sa disposition un général et une armée pour ensuite organiser la France en fédération comme les États-Unis, et neutraliser ainsi la force gigantesque et corrompue de la capitale.

« En effet, à toutes les époques depuis 1791, nous avons eu une caste plus dangereuse que celle des prêtres et des nobles, c’est la caste moderne des profiteurs de Révolution : ambitieux qui n’ont jamais changé d’esprit et de principes de conduite, qui ont toujours cherché à se placer derrière des généraux célèbres, heureux et entreprenants, afin que, avec le secours de ces militaires, transformés en mannequins du pouvoir, ils pussent s’emparer du trésor public, de la puissance et des divers emplois honorifiques et lucratifs. »

Ici, l’explication est encore rabaissante pour Danton. Il est injuste de dire qu’il ait cherché en Belgique richesse et pouvoir. Et j’ai dit déjà quel était son vaste et noble dessein. Mais, du moins, Barère ne l’accuse plus d’avoir été le complice de Dumouriez, et d’avoir suscité des troubles à Paris pour donner au général factieux un prétexte à intervenir. Évidemment, comme il en convient, c’est la Gironde qui comptait, pour mater au besoin les anarchistes de Paris, sur le prestige et sur l’épée du général victorieux. Il était pour elle, avec ses soldats venus de toute la France, le chef de ces forces départementales qu’elle n’avait pu, à son gré, appeler et maintenir à Paris. Et Barère, résumant sa double accusation, dit :