Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/344

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une conférence avec les principaux chefs du côté droit, conférence dans laquelle on était convenu de marcher d’accord, et de ne plus songer à autre chose qu’à battre l’étranger et à confondre l’aristocratie. Nous aimions tous Danton, mais la plupart d’entre nous pensaient qu’il jugeait mal l’état des choses quand il espérait rétablir l’union entre les Girondins et la Montagne. La plupart d’entre nous, il est vrai, avaient consenti à marcher avec lui vers la fusion sur laquelle il paraissait fonder tant d’espérances ; mais c’était plutôt pour tenter un essai auquel on croyait peu, que dans la conviction de la réussite que Danton nous promettait. Aussi, lorsque ce chaleureux orateur, maladroitement provoqué par l’un des éclaireurs du parti adverse, répondit avec tant de force à d’imprudentes attaques, lorsqu’il déclara si hautement la guerre à des hommes avec lesquels nous avions vu, depuis longtemps, qu’il n’y avait point de paix possible, lorsqu’il brûla, en quelque sorte, ses vaisseaux pour enlever toute possibilité de retour, nous fûmes tous transportés d’une espèce d’enthousiasme électrique ; nous regardâmes la résolution inopinée de Danton comme le signal d’une victoire certaine. Quand il descendit de la tribune, un grand nombre de députés coururent l’embrasser. »

Marat traduisit, dans son numéro du 3 avril, ce qu’il y avait de plus noble dans sa joie :

« Les tribunes partagent mon indignation, et l’opinion publique, plus forte que tous les décrets du monde, rappelle Danton à la tribune malgré les efforts des hommes d’État pour l’en écarter ; il obtient la parole, il reconnaît enfin que les ménagements que lui avaient dictés le désir de la conciliation et l’amour de la paix sont une fausse mesure ; il fait, avec un noble abandon, amende honorable de sa circonspection déplacée ; il déclare la guerre à la faction infernale des hommes d’État, il confond leurs impostures, il les accable de ridicule, et il sort triomphant de cette lutte, au bruit des acclamations publiques.

« Je regrette de n’avoir pas le temps de rapporter ici son discours ; j’observerai qu’il est de main de maître, et d’autant plus précieux qu’il contient l’engagement formel qu’a pris Danton, de combattre désormais avec un courage indomptable. Or, on doit beaucoup attendre des moyens de ce patriote célèbre, le peuple a les yeux sur lui, et l’attend dans le champ de l’honneur. »

C’était la fin. Il fallait que l’un des deux partis succombât. Danton le comprit bien : il donna une suite immédiate à son discours, et le 2 avril, il dit aux Jacobins : « il faut éclairer les départements afin de pouvoir chasser de la Convention tous les intrigants. » Il propose d’écrire, à ce sujet, aux sociétés affiliées.

C’est l’investissement révolutionnaire de la Gironde qui commençait. Dans cette lutte, c’est la Montagne qui devait l’emporter, non seulement parce qu’elle avait avec elle la force présente et remuante de Paris, mais parce que seule, elle agit avec vigueur dans le sens de la Révolution et de la patrie.

C’est sur la proposition de l’inconstant Isnard, interprète du Comité de