Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/368

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volter à Paris comme on le fait dans la Vendée ! Hé bien, nous vous forcerons à ouvrir vos bourses, ce sera plus aisé que d’échauffer vos cœurs, et si vous murmurez, la réclusion nous assurera de vous pendant que nous irons combattre.

« Ces reproches amers ne sont pas sans fondement, et nos capitalistes n’ont que trop provoqué le réquisitoire du procureur de la Commune : « La cause de nos maux, dit-il. Je la vois dans l’égoïsme du riche qui, mollement couché dans une alcôve tapissée, regrette les anciens abus ; je la vois dans les coupables spéculations de l’agiotage, dans la conduite criminelle de ces thésauriseurs qui, pour tripler leurs capitaux, déclament contre la Révolution. Qu’ont-ils fait pour le pauvre ? Rien. »

« Mais quelque chose de moins impolitique que de les menacer du rasoir national, de la faux de l’égalité, de la bouche du canon, etc., c’était de leur dire avec une franchise toute républicaine : Mes amis, mes frères, il n’y a plus à reculer, nous sommes trop avancés pour reculer ; la liberté est une île dont on ne peut plus sortir que mort, une fois qu’on y est entré. Mais vous savez calculer, eh bien ! si vous avez pu croire un moment à la chimère d’une contre-révolution, pensez donc que, se rétablît-elle, vous n’en seriez pas meilleurs marchands ; vous voilà entre deux feux, de façon ou d’autre on laissera tranquilles ceux qui n’ont rien ; c’est toujours à ceux qui ont quelque chose qu’on s’adressera. Le rétablissement de la monarchie vous coûterait tout autant que l’affermissement de la république ; exécutez-vous de bonne grâce ; n’attendez pas qu’on l’exige de vous ; faites-vous un mérite d’offrir de vous-mêmes aux besoins de la patrie le quart, le tiers, même la moitié de vos biens, s’il le faut. Vous y gagnerez encore ; car par ce procédé civique vous conserverez le reste de votre fortune, et à ce prix est-ce acheter trop cher l’indépendance et le calme ? N’imitez pas les nobles et les prêtres, ne soyez pas aussi récalcitrants qu’eux ; rappelez-vous ce qu’il leur en a coûté pour s’être fait tirer l’oreille. Le peuple s’est fâché, et il a mis sa main sur tous leurs biens et leurs privilèges ; car ne vous y trompez pas, la liberté a besoin encore d’une troisième révolution. Vous avez applaudi à celle des nobles et à celle des prêtres : à présent c’est le tour des riches. Citoyens de cette dernière caste, vous serez traités comme ceux des deux autres, si vous n’êtes point devenus plus sages à leurs dépens. Les droits de l’homme ont été respectés en eux ; on n’a châtié que les émigrés conspirateurs et les réfractaires fanatiques. On respectera de même les droits de la propriété ; mais les propriétaires égoïstes ne seront point oubliés par les sans-culottes. La Révolution est pour l’avantage de tout le monde ; tout le monde doit en payer les frais, les braves par l’effusion de leur sang, les riches par l’offrande de leurs trésors.

« Puisque cela est ainsi, répondront les riches, il faut bien se résigner ; mais du moins qu’on nous rassure sur l’emploi de la taxe qu’on nous impose ;