Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/423

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mai, la Révolution parisienne ne s’en tenait plus à la menace ou à d’incertaines velléités, qu’elle s’organisait pour frapper. Si la Gironde était étourdie, elle était brave. Elle gémissait ou déclamait depuis des mois sur les massacres dont elle était menacée ; mais ce n’était pas par peur, c’était par politique. Elle voulait surtout discréditer auprès des départements et dénoncer ses adversaires de la Montagne. Même quand elle avait des pressentiments sinistres, comme ceux que laissa apparaître Vergniaud dans une lettre à ses amis de Bordeaux, elle ne blêmissait pas, et elle gardait je ne sais quelle confiance vaniteuse et noble en l’avenir. Dans son numéro du dimanche 5 mai, le Patriote français, analysant l’état de Paris, signale tout ensemble et brave le péril.

« La fermentation redouble et les agitateurs mettent en jeu tous leurs ressorts. On crie dans toutes les rues un infâme libelle contre une partie de la Convention, avec ces mots pour titre et pour refrain : « Rendez-nous nos dix-huit francs, foutez-nous le camp, et gare le tribunal révolutionnaire et l’aimable guillotine. On parle de tocsin, on annonce de nouvelles pétitions ; on dit qu’on ne marchera pas contre les rebelles si la Convention n’est pas purgée, si elle ne livre pas tels et tels membres. On profite surtout de l’agitation qu’excite le nouveau recrutement, et des divisions qui s’élèvent sur le choix du mode, et ceux qui ne veulent pas partir sont ceux qui crient le plus haut. Il est aisé de voir qu’on prépare un nouveau mouvement. Les patriotes doivent-ils le redouter ? Non, ils doivent même le désirer bien plus que ses auteurs. Depuis trop longtemps le républicanisme et l’anarchie sont en présence et n’ont fait, pour ainsi dire, qu’une escarmouche ; cet état pénible ne peut plus se prolonger ; on nous présente un combat à mort, eh bien ! acceptons-le ; si nous sommes vainqueurs, la république est sauvée ; si nous succombons, les départements sont là : nous aurons des vengeurs ; la République aura des sauveurs. Est-ce que la République peut périr ?

« Mais nous vaincrons. Républicains, sentez votre force. Quels sont vos ennemis ? Une bande de forcenés déclamateurs, Achilles à la tribune, Thersites au combat ; une poignée de conspirateurs de caves, qui tremblent même à la vue de leurs propres poignards ; un ramas de brigands sans courage, intrépides massacreurs dans les prisons, mais dont les yeux n’osent rencontrer ceux d’un homme de cœur ; enfin un vil troupeau de misérables, que la soif du pillage réunit, que la pluie dissipe. Quels sont vos amis ? La grande majorité de la Convention, la grande, l’immense majorité des habitants de Paris, fatigués de l’odieuse et ridicule tyrannie de ces Mazaniels en miniature. Républicains, soyez prêts. »

On dirait que la Gironde désire la lutte et à fond. Louvet, dans une brochure publiée chez Gorsas, dénonce toute politique de conciliation et de transaction :

« Nous savons que des hommes, dont nous respectons les intentions,