Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/454

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quence, qu’ils confondaient dans leurs délicieuses exclamations, la Constitution, la religion et le représentant Tallien. Dans d’autres contrées, d’autres représentants prêchaient l’athéisme, et le renversement des autels et des temples. Chacun d’eux agissait comme il était affecté, en vertu du pouvoir illimité dont il était revêtu…

« … J’avais été indigné de voir les rues de Saumur couvertes d’aides de camp, de généraux escrocs et autres gens de cette espèce. Le nombre de ces hommes corrompus, de ces suppôts de mauvais lieux, était bien plus considérable, à Tours ; il augmentait tous les jours, à mesure que les bataillons de Paris débarquaient. Je voyais des histrions transformés en généraux, des joueurs de gobelets, des escamoteurs traînant après eux les catins les plus dégoûtantes occuper des grades dans l’armée, ou des emplois dans les vivres, les fourrages ou les charrois, et ces insectes corrupteurs avaient encore l’insolence de se dire républicains. Je voyais des troupes légères à cheval, composées de lâches déserteurs prussiens et autrichiens, qui avaient profité du décret bien impolitique de la Convention nationale, qui accordait cent livres de pension à ces coquins, et la facilité de s’enrôler avec les Français. Les traîtres se vendent toujours à celui qui les paye le plus cher ; ils n’aimaient pas notre papier monnaie ; ils passèrent parmi les rebelles qui leur faisaient des offres en numéraire, ou se livrèrent, en restant au milieu de nous, au brigandage le plus affreux. C’est ainsi, me disais-je douloureusement, qu’on environne la statue de la liberté ! On veut défendre la République avec des hommes choisis comme ceux qu’avait ramassés Catilina pour la destruction de sa patrie ! »

Ainsi, Mercier du Rocher était tout ensemble opposé à la politique girondine et dégoûté de ce qu’on appellera bientôt « l’hébertisme ». Par là, ses idées sont voisines de celles de Robespierre, sauf qu’il est plus sévère que ne le sera Robespierre pour les officiers ultra-patriotes et hébertistes de l’armée de l’Ouest.

Mais qui ne voit que pour arriver à réprimer ou à contrôler efficacement ces éléments un peu troubles, il fallait agir à plein dans le sens de la Révolution ? La destruction de la Gironde était donc, à tous les points de vue, une nécessité préalable. Dans l’état des esprits en province, la France aurait bien vite glissé au royalisme et à la contre-révolution, si Paris n’avait pas brisé toutes les forces incertaines et malveillantes.

Supposez que, à Paris même, la Gironde l’emporte sur la Commune. Supposez que les sections parisiennes adoptent la politique des sections lyonnaises, des sections marseillaises et de la municipalité nantaise. La Révolution eût engagé partout la lutte contre ses énergies les plus véhémentes. Elle eût désavoué et flétri les conséquences extrêmes des vastes mouvements populaires, et par là refoulé l’élan du peuple. Elle eût été obligée, pour justifier les mesures violentes contre les Montagnards, contre les révolutionnaires