Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/458

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moyens insurrectionnels. C’est une adresse des sans-culottes de Metz, lue et commentée par Thirion, qui marque le mieux l’exaltation des esprits :

« Si d’odieux agitateurs, tels que les Brissot, Guadet, Vergniaud et consorts, persistent à entraver la marche de vos opérations, ayez le courage de les dénoncer au tribunal révolutionnaire ; le peuple sera vengé de leur perfidies. Son salut, il l’attend de vous, ou il se sauvera lui-même. »

Ces paroles violentes soulèvent un long tumulte. Thirion intervient et dit :

« Vous voyez que les citoyens de Metz sont dans l’erreur, ils croient que la Montagne forme la majorité ; il faut leur apprendre que nous sommes dans l’oppression, et alors ils sauront ce qu’ils doivent faire. »

À ces mots, qui semblaient encourager la révolte annoncée, l’agitation fut vive. Les Jacobins ne voulaient pas se risquer encore à l’insurrection. Ils flottaient de projets en projets, de motions en motions, sans se décider encore à l’offensive. Thuriot demanda que la séance des Jacobins fût permanente, et il combattit l’idée de former, aux Jacobins mêmes, un comité de salut public qui paraîtrait empiéter sur celui de la Convention. Legendre s’éleva surtout contre tout projet de comité secret :

« Je déclare, moi, que je commencerais à suspecter cette société, s’il y avait un comité secret. Il faut tout dire à cette tribune. »

Oui, mais ce qu’il disait était à la fois véhément et vague. Pourtant l’influence des « Enragés » grandissait aux Jacobins mêmes.

« Je me livre, disait sentencieusement Dutard à propos de la séance du 17, à mon ostéologie. Il me paraît qu’il y a deux factions, que je vais appeler la chambre haute et la chambre basse. Les Jacobins sont donc divisés en deux partis bien distincts et séparés : les gens instruits, propriétaires, qui pensent un peu à eux comme malgré eux, — de ce nombre sont Santerre, Robespierre et une grande partie des membres de la Montagne ; et les anarchistes qui reposent en partie aux Jacobins et principalement aux Cordeliers, dont Marat est le chef.

« Il paraît que les gens instruits ont vu la chambre obscure, et que les prophéties qu’ils y ont lues ont fait d’eux, malgré leur répugnance, des modérés presque parfaits. Ils tiennent à peu de devenir aristocrates.

« Il paraît que le peuple anarchiste s’attachera toujours, sans aucun respect pour ses anciens patrons, à celui qui paraîtra le suivre davantage dans ses dérèglements, qu’ils n’aiment Marat, Robespierre qu’autant que ceux-ci leur diront : « Tuons, dépouillons, assassinons », et que n’en restât-il qu’un seul de toute la société (Chaumette, par exemple) il en serait assez pour conduire cette horde de bandits. »

Non, Robespierre et les Jacobins « instruits, propriétaires » ne devenaient ni aristocrates, ni modérés, mais ils craignaient de compromettre la Révolution en mutilant la Convention nationale. Ils se bornaient à lancer un pam-