Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/492

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Commission des Douze. Je désirerais que la force armée les empêchât de s’assembler, parce que c’est un rassemblement dangereux. »

Libre à ce bon petit bourgeois de glisser doucement vers le modérantisme et la contre-révolution ; je ne retiens de ses propos que le témoignage sur l’organisation des clubs de dix heures.

Mais les sections ne se bornaient pas à éluder et à tourner la loi. Quelques-unes d’entre elles (en minorité il est vrai) bravaient ouvertement l’arrêté de la Convention. Le Faubourg-Montmartre aux décisions duquel, comme nous l’avons vu, plusieurs sections avaient adhéré, refusait à la Commission des Douze la communication de ses registres et procès-verbaux. Il déclarait nettement que les registres des délibérations des sections étant « le recueil sacré des vœux et de la volonté du souverain dans ses différentes fonctions, elle ne les porterait, ni ne les communiquerait à aucune commission quelconque, et que si la Convention nationale, comme représentant la souveraineté générale de la nation, en exigeait la communication par un décret, la section entière les lui porterait et ne les abandonnerait jamais. »

La section de l’Unité est plus brutale :

« Sur la communication donnée à l’assemblée d’un décret de la Convention qui défend, sous la responsabilité du président, de tenir ses assemblées passé dix heures, et qui exigerait de porter les registres et les arrêtés à la Commission des Douze, l’assemblée passe à l’ordre du jour motivé sur ce qu’il est permis de résister à l’oppression. »

La section de la Cité ayant suivi l’exemple de la section de l’Unité, c’est sur elle que tombe la sévérité de la commission des Douze. À la fin de la séance de la Commune, « un citoyen prévient le Conseil que Dobsent, président, et le secrétaire greffier de la section de la Cité, ont été arrêtés pour avoir signé, à ce qu’on présume, une délibération prise par cette section, relativement à la Communication de ses registres à la Commission des Douze ». C’est le 26, dans la nuit, que Dobsent fut écroué à l’Abbaye.

L’agitation n’était pas concentrée dans les sections : elle avait, dès la matinée du dimanche, gagné la rue. Les femmes commençaient à se montrer, sans doute celles qui formaient la Société des Citoyennes révolutionnaires ou que cette Société pouvait mobiliser.

« On m’a dit, écrit Perrière à Garat, le lendemain 27 mai, qu’il y avait eu hier des rassemblements un peu considérables aux Tuileries, aux Jacobins et au faubourg Saint-Antoine. Celui des Tuileries consistait surtout de femmes politiquement mises en avant par les mâles qui n’osent eux-mêmes proposer ou tenter le coup. »

Ainsi juge le policier Perrière qui ajoute lourdement :

« Elles avaient soif, et c’était surtout dans les crânes de Buzot et de Brissot et de leurs partisans qu’elles voulaient boire. »