Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/500

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affaiblissantes, où l’esprit débile de Garat cherchait un repos équivoque.

« Rabaut de Saint-Étienne, ajoute-t-il, me proteste qu’il s’était opposé de toutes ses forces à l’arrestation d’Hébert, que comme moi il l’avait jugée dangereuse. Depuis, Fonfrède et Vigier m’assurèrent qu’Hébert avait été également arrêté contre leur avis. Je laissai Rabaut Saint-Étienne très persuadé que, lorsqu’on n’a point la force, il faut déployer l’autorité avec beaucoup de circonspection, pour la déployer avec succès et avec majesté. Le lendemain matin, je tins le même langage à Fonfrède qui, quoique beaucoup plus jeune et beaucoup plus impétueux, me parut également pénétré de ces intentions. »

La Gironde était divisée contre elle-même, et Garat lui inoculait secrètement le doute.

Mais le lundi 27, toutes les forces de colère qui, la veille, avaient bouillonné dans les sections remplies d’ouvriers, grondent et commencent à déborder sur la Convention. Marat reprend contre la Gironde le cri de guerre qu’il avait, le dimanche soir, lancé à la séance des Jacobins : « Ce n’est pas seulement à la Commission des Douze que je fais la guerre, c’est à la faction des hommes d’État. » Les délégués de la section de la Cité viennent demander, avec force, avec menace la mise en liberté de leur président Dobsent et de leur secrétaire, arrêtés par la Commission des Douze.

« Le temps de la plainte est passé, nous venons vous avertir de sauver la République, ou la nécessité de nous sauver nous-mêmes nous forcera à le faire… Il en est temps encore, punissez une Commission infidèle qui viole les lois de l’homme et du citoyen. Nous demandons la traduction au tribunal révolutionnaire des membres de la Commission des Douze ; songez qu’il s’agit de venger la liberté presque au tombeau. Le peuple vous accorde la priorité. La section de l’Unité demande à défiler dans votre sein. »

Le président Isnard n’était pas homme à éteindre ou à amortir ces flammes. Levasseur l’accuse d’avoir été le boute-feu de ces jours difficiles.

« Isnard, fougueux girondin, qui devait au sol de la Provence une tête exaltée et un tempérament de feu… Dès que cet homme fut au fauteuil, nos débats changèrent de couleur ; à chaque instant sa fureur mal contenue rallumait des brandons mal éteints. Il parvint en peu de jours à mettre tout en feu, et peut-être doit-on, plus qu’on ne pense, attribuer à sa fougue malheureuse une partie des orages qui ne tardèrent pas à gronder sur nos têtes. »

Il répondit aux pétitionnaires en un discours hautain, coupé par les interruptions passionnées de l’extrême-gauche :

« Citoyens, la Convention pardonne à votre jeunesse. Les représentants du peuple veulent bien vous donner des conseils. Vous voulez être libres ? Eh bien ! sachez que la liberté ne consiste pas dans des mots et dans des signes ; sachez que la tyrannie, soit qu’elle se cache dans une cave ou qu’elle