Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/518

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Garat parle aussi, mais de la façon la plus vague, de ces réunions de Charenton :

« Dans ce même jour (c’est-à-dire le 30 mai), dans l’un des jours précédents ou suivants (je ne puis fixer la date avec certitude), le chef de la première division de l’intérieur, Champagneux, me porte un très grand nombre d’exemplaires d’un placard dans lequel Robespierre, Marat, Danton, Chaumette et Pache, qu’on y appelait l’Escobar politique, sont accusés de tenir à Charenton des conciliabules nocturnes où, protégés par une force armée imposante, ils délibèrent sur les moyens d’organiser de nouveaux massacres de septembre. Je porte à l’instant le placard au Comité de salut public, et pour le lui communiquer, je saisis le moment où ni Danton, ni Lacroix n’étaient au Comité. Le Comité arrête, sur un registre secret, je crois, que tous les exemplaires du placard seraient retirés, que le secret serait exigé de celui qui me l’avait fait remettre, et que je prendrais des renseignements à Charenton même. Je n’y connaissais personne, il y avait très peu de personnes à qui on pût confier de pareilles recherches. Champagneux y connaissait un citoyen dont il me garantissait l’honnêteté et la prudence ; il lui écrivit, et la réponse fut infiniment plus propre à dissiper qu’à confirmer les horribles accusations du placard. »

À coup sûr, si Pache, Robespierre, Danton délibéraient, c’était, au contraire, pour trouver le moyen de résoudre la crise sans verser le sang et même sans entamer la Convention. Même le 29 mai, Danton n’avait pas encore renoncé tout à fait à cette espérance, et Robespierre n’y renonça que le 29 mai, quand la Convention eut commis la faute de rétablir la Commission des Douze, et quand la section de la Cité commença à mettre en branle les forces révolutionnaires. C’est le soir du 29 mai, aux Jacobins, que Robespierre avoue publiquement l’impuissance de la méthode légale à laquelle il s’était attaché jusque-là. Il invite à la résistance la Commune de Paris inquiétée de nouveau par le retour offensif de la Gironde et des Douze :

« Si la Commune de Paris, en particulier, à qui est confié spécialement le soin de défendre les intérêts de cette grande cité, n’en appelle point à l’univers entier de la persécution dirigée contre la liberté par les plus vils conspirateurs ; si la Commune de Paris ne s’unit au peuple, ne forme pas avec lui une étroite alliance, elle viole le premier de ses devoirs ; elle ne mérite plus la réputation de popularité dont elle a été investie jusqu’à ce jour. Dans ces derniers moments de crise, la municipalité devrait résister à l’oppression et réclamer les droits de la justice contre la persécution des patriotes.

« Lorsqu’il est évident que la patrie est menacée du plus pressant danger, le devoir des représentants du peuple est de mourir pour la liberté et de le faire triompher. »

Robespierre se solidarisait d’avance avec l’action révolutionnaire de