Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/531

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mouvement à Paris, que le soir, aux Jacobins, Hassenfratz lui-même insista sur la sauvegarde nécessaire des propriétés. Après avoir rappelé que le premier soin des sections révolutionnaires avait été d’en jurer le respect, il associe les Jacobins à ce serment :

« Il importe que les citoyens s’occupent d’abord du soin de tranquilliser les esprits sur le sort des propriétés. Les scélérats ont imprimé et sont persuadés intimement qu’il y a impossibilité physique qu’il se commette la moindre violation des propriétés ; et, cependant, ils feignent toujours de redouter ce pillage pour avoir occasion de calomnier les patriotes.

« Rabaut a dit : « S’il y a pillage, il doit commencer par les meubles ». Or, il y a cent soixante mille hommes domiciliés qui sont armés et en état de repousser les voleurs. Il est clair qu’il y a impossibilité absolue d’attenter aux propriétés. C’est donc pour désunir les patriotes et opérer la contre-révolution qu’on feint d’éprouver et qu’on cherche à exciter des alarmes. Il faut que toute la République sache que les propriétés sont sous la sauvegarde des sans-culottes, et je demande que tous les membres de cette société prennent ici l’engagement de périr plutôt que de laisser porter atteinte aux propriétés. »

À ce moment, tous les Jacobins se lèvent et prêtent unanimement le serment.

« Je demande, reprend Hassenfratz, que cet élan sublime de patriotisme soit imprimé dans le procès-verbal, inséré dans tous les journaux et publié dans toute la République. »

Et il conclut :

« Je viens de rendre compte des mesures de la majorité des sections de Paris. Elles s’occupent de punir les traîtres. Je vais à mon poste. »

Il allait à l’Évêché. C’était avertir les Jacobins qu’à l’Évêché était maintenant la Révolution agissante.

Marat n’avait dit que deux mots ce jour-là à la Convention ; et il ne parut pas aux Jacobins. Avec son instinct révolutionnaire si direct et si clairvoyant c’est à l’Évêché qu’il alla tout droit. Et, en un discours qu’Esquiros a reconstitué sur des notes que lui a communiquées la sœur de Marat, l’ami du peuple résuma, non sans gravité et sans hauteur, ses griefs contre la Gironde. Ce qu’il lui reprochait surtout, c’était d’avoir, par sa complaisance pour les généraux, paralysé ou compromis la défense nationale. Et il demandait au peuple de se lever enfin, d’entourer en armes la Convention et d’exiger qu’elle livrât les Girondins les plus compromis. Ce n’était point le massacre qu’il conseillait. C’est à la justice révolutionnaire qu’il voulait livrer la Gironde. Depuis que le vent commençait à souffler en tempête, il avait constamment pris à partie la Gironde, au moins quand ses forces déjà bien atteintes lui permettaient d’écrire. Il avait accusé Pétion ; il avait violemment dénoncé les aristocrates des sections qui, un jour, l’avaient injurié. Il avait allongé, et de beaucoup, la liste des vingt-deux, et c’est contre près de quatre-vingts dé-