Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/578

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un délai de trois jours. Ainsi, la Commission avait, dès lors, la posture d’un coupable ou tout au moins d’un suspect. Qui sait, d’ailleurs, si les révolutionnaires de l’Évêché, si les sectionnaires les plus ardents, mal contenus par une Commune plus qu’à demi complice, assurés maintenant de l’impunité ne vont pas reprendre leur tentative et la pousser plus loin ?

Les Girondins se sentaient si menacés que même, les plus courageux d’entre eux ne couchèrent point chez eux cette nuit-là. Pétion, qui avait un sang-froid admirable, mais qui cédait à l’évidence du péril, raconte tristement :

« Lorsque je sortis de l’assemblée, je m’aperçus que, loin d’avoir renoncé à leurs projets, les groupes menaçants (qu’il avait traversés le matin) les suivaient avec la plus grande activité. Je fus prendre un gîte dans un hôtel garni rue Jean-Jacques-Rousseau. Le mari, bon patriote et capitaine de la garde nationale, était persécuté par les maratistes. Il était même, dans ce moment, à subir un interrogatoire, et sa femme craignait beaucoup qu’on ne le mît en état d’arrestation. »

Chez les révolutionnaires les plus véhéments de l’Évêché et de la Commune il y avait un mélange de déception et d’ardeur. Non, le coup décisif n’avait pas été porté, mais on recommencera, et cette fois on n’écoutera pas les conseils des timides. Dans la séance de la Commune, avant même que la Convention se sépare, et quand il commence à apparaître que le mouvement n’aboutit qu’a peine, des récriminations s’élèvent. Pourquoi la municipalité a-t-elle été aussi hésitante et aussi faible ?

« Un citoyen monte à la tribune et propose de prendre les mesures les plus promptes et les plus sûres, de ne pas consumer en longs discours (cela était dit pour Chaumette) un temps qui ne doit être employé qu’en action. Le procureur de la Commune, en applaudissant au zèle et au patriotisme de l’orateur, observe qu’il faut joindre la prudence à la grandeur des mesures ; que les aristocrates ne demanderaient pas mieux de voir les citoyens de Paris dirigés en sens contraire, s’agiter tumultueusement sans savoir où ils vont ni où ils tendent.

« Le préopinant insiste sur les mesures qu’il a proposées, accuse de faiblesse le procureur de la Commune et s’offre pour présider le Conseil et diriger les opérations révolutionnaires. »

Quelle que fût l’audace, audace d’action ou audace de vanité, de l’orateur inconnu, il fallait que le crédit révolutionnaire des dirigeants officiels de la Commune fût largement atteint par l’insuccès à peu près constaté de la journée pour qu’une proposition pareille pût se produire.

« Le substitut du procureur de la Commune (Hébert, sans doute) prend la parole, et parlant dans le même sens que le citoyen Chaumette, il invite les citoyens à se rendre dans leurs sections et à y exposer ingénument les raisons qui ont fait manquer cette grande journée. Il accuse l’impétuosité