Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/587

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intentionnés, avait très mal jugé des mouvements populaires qui avaient lieu le 31 mai. La journée s’était passée sans orage, malgré que le tocsin eût sonné toute la nuit, et que le peuple eût été tout le jour sous les armes.

« La Convention avait été plus agitée que la ville. La faction des hommes d’État, tremblotante, cherchait à se rassurer et à donner le change sur les causes de l’insurrection, et la séance entière avait été employée à entendre les autorités constituées appelées à la barre. Le ministre de l’intérieur avait démontré jusqu’à conviction la fausseté du prétendu complot tramé contre les appelants ; le maire avait fait voir que les auteurs du rassemblement de la force armée autour du Sénat étaient ces mêmes hommes d’État qui s’étaient si fort récriés contre cette mesure audacieuse, car elle était composée des bataillons de ces mêmes sections aristocratiques qui avaient dénoncé ce prétendu complot. (Marat, dont la tête lassée par un travail constant s’obscurcissait parfois, confond ici, pour le ministre de l’intérieur et pour le maire, la journée du 27 mai et celle du 31 ; de même quand Guadet proposait que la Convention se réunît à Bourges, il avait entendu Tours, alors menacé par les Vendéens, et il avait bâti là-dessus tout un système.) Enfin le département avait prouvé que les mouvements populaires de la journée n’avaient d’autre cause que l’indignation excitée par les arrestations arbitraires de la Commission des Douze, les calomnies atroces répandues depuis si longtemps contre Paris, les vues horribles que laissait entrevoir le discours d’Isnard, les nouvelles trahisons de quelques généraux, et la poursuite des desseins sinistres des meneurs de la faction.

« Ces meneurs qui voulaient consommer leur trahison dans les ténèbres, et qui ne redoutent rien tant au monde que l’insurrection du peuple, demandaient, par l’organe de Valazé, que le commandant provisoire de l’armée parisienne fût traduit à la barre et puni de mort pour avoir ordonné de tirer le canon d’alarme, proposition qui fut couverte de huées. Plusieurs membres avancent divers avis. Thuriot, Jean-Bon-Saint-André, Drouet et plusieurs autres renouvellent la demande que j’avais faite dans la matinée de supprimer la Commission des Douze, de casser tous les ordres émanés d’elle, et de mettre en liberté les citoyens qu’elle avait incarcérés. Ces propositions sont décrétées. Ainsi s’en alla en fumée l’insurrection d’une ville immense ; mais le feu couvait sous la cendre. »

C’est le comité révolutionnaire de l’Évêché qui l’attisa. Tout de suite, à l’heure même où la Commune se perdait en vagues propos, il avait formé son plan. Devant le Conseil général de la Commune, renforcé de dix membres du directoire du département, un délégué de la commission révolutionnaire fait son rapport (vers dix heures du soir) sur les mesures qu’elle a prises :

« Il divise ces mesures en deux espèces : les mesures cachées et les mesures qui peuvent être rendues publiques. Il entre dans le détail de ces dernières, parmi lesquelles se trouve la mesure d’arrestation de toutes les per-