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Chambon, Biroteau, Rabaut, Gorsas, Fonfrède, Lanthenas, Grangeneuve, Lehardi, Lesage, contre vingt-sept députés. »

La Convention décréta que le Comité de salut public ferait un rapport sous trois jours sur l’adresse des pétitionnaires. Trois jours, c’était bien long. Mais le délai pouvait être abrégé, et c’était déjà une victoire d’avoir amené la Convention à délibérer en effet sur l’arrestation des Girondins. Marat s’étonna que le vieux Dussault fût sur la liste. Cette impartialité même était pour les autres un sinistre avertissement. Elle signifiait que cette fois la motion était grave, puisque Marat se préoccupait d’en exempter un homme qu’il jugeait innocent. Au fond, c’est le lendemain que la question devait être réglée : comment Paris aurait-il pu supporter longtemps encore cette tension des nerfs, cet appel des cloches, ce frisson terrible et vain ? La Commune avait beau décider, vers une heure du matin, pour ne pas trop fatiguer la force armée, qu’elle serait rappelée. La Révolution, cette fois, ne voulait pas se coucher. Le lendemain devait être un dimanche, le peuple savait qu’il ne serait point pris par l’atelier, et déjà on se demandait de quels grands événements serait comblé le vide de cette longue journée.

Le comité révolutionnaire, lui, considérait si bien le prolongement de l’insurrection comme une chose nécessaire et normale qu’il demandait que la liste des ouvriers sans-culottes soit dressée dans chaque section et que chacun d’eux reçoive 6 livres… Six livres, à quarante sous par jour, c’était le salaire de trois jours. Or, le 31 mai, le 1er juin, cela faisait deux. Le troisième devait être le jour décisif, et il s’agissait de le payer d’avance. Chaumette, un peu ahuri, demande où sont les fonds. Mais telle était alors la confusion paradoxale de l’insurrection morale et de la légalité que le rapporteur du comité répond « qu’on les demandera à la Convention ». C’est la Convention qui devait fournir les subsides à la force armée chargée de peser sur elle ! On n’eut pas besoin de recourir à elle, et le lendemain, 2 juin, le comité révolutionnaire annonça qu’il avait les sommes nécessaires. Comment ne les eût-il pas eues, puisque depuis des semaines, il avait, par les comités révolutionnaires des sections qu’il centralisait, le droit de réquisition chez les riches ? Donc, dans la comptabilité de l’insurrection, elle devait être terminée en un jour, au soir du 2 juin, en comptant ce dimanche 2 juin comme jour ouvrable.

C’était bien, en effet, l’agonie de la Gironde qui commençait, elle n’avait plus à vivre (politiquement) que quelques heures de détresse et d’angoisse. Les journalistes du Patriote français rédigeaient en hâte le numéro qui allait paraître le 2 juin et qui devait être le dernier. Ils y calomniaient encore la Commune en paroles savamment empoisonnées. Elle voulait emprunter des millions pour Paris, mais ces millions, qu’en ferait-elle ? Elle les volerait.

« Elle les pacherait, elle les chaumettiserait, et chacun de la bande en aurait sa part ; le surplus serait employé à soudoyer des brigands pour op-