Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/612

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leur résistance, les assemblées ne se renouvelèrent plus, et les délibérations eurent lieu chez Dufriche-Valazé. Il en fut de même des députations du Poitou, convoquées de la même manière et sous le même prétexte, qui après les réunions des repas, se réunirent chez Creuzé la Touche. Un certain Bion et Dutrou-Bornier étaient les députés actifs de ces assemblées ; il y eut aussi une forte opposition dans le principe, ce qui détermina les réunions chez Creuzé la Touche, où il n’y eut que les affidés d’admis. Il était toujours question d’éloigner les plus chauds partisans de la Montagne, de les proscrire et de gouverner dans le sens de la Gironde. Les événements tournèrent contre ces manœuvres, et les proscripteurs furent proscrits. »

Sans doute, quand ils se groupaient ainsi par anciennes provinces, Bretagne, Poitou, les députés girondins songeaient bien à organiser des faisceaux fédératifs, à unir par régions les forces départementales, et c’est là évidemment ce que Baudot entend par « se constituer en départements fédératifs ». Mais d’abord, à l’intérieur même de chaque province, les esprits étaient trop divisés pour que ces groupements pussent réaliser un équilibre stable, et il est évident que c’était pour dominer au centre, pour « gouverner dans le sens de la Gironde » que toutes ces combinaisons étaient ébauchées. Il n’y avait là aucune doctrine. Baudot le déclare expressément :

« On a beaucoup parlé de fédéralisme en France, dans les premiers temps de la Convention nationale. Je ne crois pas que ce système ait jamais reposé sur un plan fixe. Les ennemis de la Révolution, qui s’emparaient de toutes les idées qui pouvaient leur servir de germes de division, saisirent cette occasion comme tant d’autres. J’ai eu connaissance que plusieurs d’entre eux s’adressèrent au député Rouyer pour lui faire des propositions dans ce système. Ce député, sous une forme rude, cachait un grand fond d’intrigue, et le choix de leur part n’était pas mauvais. Il n’avait pas une grande réputation, et cependant il était assez répandu. Au besoin on pouvait l’employer comme un ballon perdu ou comme un moyen d’ascension. Soit que les événements se soient alors succédé avec trop de précipitation, soit que les plans fussent mal conçus ou aient été désapprouvés, on n’en parla plus.

« Je sais pertinemment qu’il fut plus d’une fois question au Comité de salut public de faire un rapport sur le fédéralisme et que ce projet fut toujours ajourné faute de preuves. Cependant on n’était pas difficile à cette époque en fait de pièces justificatives. »

Cependant, tant que la Gironde subsista, tous les départements où son action dominait semblaient former comme une sorte de fédération de résistance, dont on pouvait se dire qu’elle deviendrait une fédération de gouvernement :

« Le fédéralisme politique, remarque Baudot, s’étendait depuis Nantes jusqu’à Toulon, en suivant la ligne par la Rochelle, Bordeaux, Toulouse, Nîmes, Montpellier, Marseille et Toulon, il comprenait les villes et leurs ter-