Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/664

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par la loi, dans ce cas le maximum sera de vingt-cinq mille livres, et le surplus restant après chaque portion des enfants prélevée, rentrera dans la masse de la succession nationale. Enfin, à l’égard du citoyen qui mourra sans avoir d’enfants, tous ses biens seront dévolus aux héritiers de la patrie. De cette manière, loin d’enchaîner l’émulation et l’activité, elles se trouvent aiguisées. »

De la sorte, un certain niveau d’égalité s’établira insensiblement dans les fortunes, et un esprit de sage conservation pénétrera dans le peuple lui-même, intéressé au maintien d’un ordre social qui l’assure contre la misère et à la croissance de fortunes dont il aura sa part.

« Le malheureux cessant, à la faveur d’une législation bienfaisante et juste, d’être sacrifié dès le berceau par la disproportion abusive et vexatoire des richesses, sera appelé à partager des biens sur lesquels, en sa qualité de membre du corps social, il a pareillement une main-mise incontestable. D’ailleurs, pour augmenter de plus en plus les effets inappréciables de ce retour au droit naturel et civil, on réduirait, pour l’héritier national, sa portion à la somme dont il a strictement besoin pour se mettre en mesure de s’occuper utilement. Ce n’est pas une fortune qu’il faut d’emblée à celui qui commence, puisque dans cette hypothèse, au lieu d’enflammer son zèle, on provoquerait sa paresse, c’est-à-dire sa perversion. Mais ce sont les avances indispensables pour commencer l’exercice d’une profession et mille écus donneraient une multiplicité de lots qui, étendant à l’infini la division des fortunes, restitueraient au travail, aux vertus, à la félicité, une foule de nécessiteux qui ne languissent dans l’oisiveté, dans le vice et dans la paresse, que faute d’avoir eu dès le principe de quoi faire valoir leurs talents paralysés ; tout cela est compris dans le mot d’un financier. « Ce n’est pas ni cent mille écus ni un million qui sont difficiles à gagner, mais la première somme de cent pistoles. »

Ayant ainsi exposé son système, Billaud-Varennes s’indigne contre ceux qui, au nom de la propriété et de son droit, s’opposeraient précisément à son extension.

« Quoi ! c’est la partie laborieuse du peuple qui gémit toute sa vie dans le dénûment ! Ce sont les bras à qui l’on doit toutes les productions de la terre, de l’industrie, qui se laissent arracher le nécessaire ! Un cri s’est fait entendre : « Guerre aux châteaux ! Paix aux chaumières ! » Ajoutons-y la consécration de cette règle fondamentale : Point de citoyen dispensé de se pourvoir d’une profession ! Point de citoyen dans l’impossibilité de s’assurer un métier ! Et dès ce moment une activité universelle va soustraire l’homme à toutes les calamités qui le persécutent et lui restituer sa première et véritable condition : celle de gagner sa vie à la sueur de son front.

« Vous qui parlez sans cesse du droit de possession, répondez : en est-il une plus sacrée que celle qui réside dans la faculté obligatoire de travailler ? Comment se fait-il donc que celui qui se donne le plus de mal se trouve être