Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/786

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

être brûlés aux termes de l’article précédent, seront condamnés à cinq ans de prison. »

Par une admirable correspondance et qui a sauvé la Révolution, chaque grand mouvement populaire de Paris a eu pour conséquence une libération plus décisive du paysan. Après le 11 juillet, c’est la nuit du 4 août. Après le 10 août, ce sont les décrets du 25 ; après le 31 mai, ce sont les décrets des 3 juin, 10 juin et 17 juillet. Chaque vibration révolutionnaire de Paris faisait tomber un pan de servitude paysanne. Mais du coup le girondisme, le fédéralisme étaient morts.

Que pouvaient les fugitifs qui, à Évreux, à Caen, essayaient en juin, en juillet, d’organiser la guerre civile, d’entraîner les départements contre Paris ? Ils ne pouvaient, sans se déshonorer et sans se perdre, faire appel aux forces royalistes, et d’autre part, ils n’auraient pu se donner comme les représentants authentiques de la Révolution que si, à Paris, la Révolution avait été dissoute dans les querelles, dans l’impuissance, dans l’anarchie ridicule ou sauvage.

Or jamais la Révolution n’avait rayonné de Paris avec plus de force d’unité, d’éclat et d’espérance sereine que depuis l’élimination de la Gironde. Aussi, sous les pas des fugitifs, la terre de France se dérobe ; et ces orgueilleux qui avaient si souvent invoqué contre Paris la sagesse et la vigueur des départements ne trouvent plus dans l’Eure, dans le Calvados, dans les régions mêmes où ils croyaient avoir le plus d’amis, que quelques milliers d’aventuriers à recruter. Et ces quelques mille carabots à peine engagés sous la conduite de Wimpfen sur la route de Paris, s’arrêtent à la première étape, se débandent à la première rencontre des détachements armés de la Révolution. Mais voici le châtiment suprême des insensés qui avaient cru qu’ils pouvaient déclamer à l’infini contre tous les actes de la Révolution sans livrer la Révolution elle-même. Wimpfen se tourne vers eux et leur dit : « Que pouvez-vous seuls ? Rien. Il n’y a qu’un salut pour vous : c’est de vous unir aux insurgés de la Vendée et à l’Angleterre. »

Oh ! ils eurent tous une révolte de conscience ! Mais ce terrible éclair ne leur révéla pas la profondeur de leur faute. Ils auraient dû se retourner vers Paris, ils auraient dû se retourner vers la Révolution et lui crier : « Nous étions égarés. Nous avons cru qu’il était possible d’épurer le torrent sans le contrarier. Nous voyons maintenant que dans la bataille il faut tout accepter de la Révolution, même ses fautes, même ses excès d’une heure. L’offre insultante que nous a faite la contre-révolution nous prouve qu’elle s’est trompée sur nous. Mais nous sommes responsables, pour une part, de cette méprise. Ô révolutionnaires de Paris, faites de nous ce que vous voudrez ; mais nous voici ; nous voulons être frappés par la Révolution, mais reconnus et pardonnés par elle. »

Non, ils ne dirent pas cela ; leur orgueil implacable les voua à l’erreur