Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/804

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tude doit continuer d’être dépouillée de son droit réel au champ de la nature, à titre de copartageant, au moins doit-elle y trouver un droit de culture à titre de colon.

« Nous avons aussi remarqué, dans cet Essai, l’assurance avec laquelle l’auteur annonce un moyen de former une abondante ressource commune, fournissant pleinement à tout, même à une éducation vraiment nationale, c’est-à-dire à l’éducation de toute l’élève citoyenne, ce qui diffère essentiellement des projets d’instruction publique ; et, cela, sans aucune espèce d’impôt. Qu’on se figure combien ce moyen simplifierait la machine politique et en faciliterait tous les mouvements ! Nous l’avouons, ceci nous a paru, au premier abord, trop merveilleux pour oser y croire ; mais quelques explications dans lesquelles le curé de Mauchamp est entré nous en ont fait non seulement concevoir la possibilité, mais sentir la justesse qui flue comme nécessairement de l’ordre de choses qu’il établit sur son principe de justice.

« Enfin, l’auteur propose de développer son plan et d’en présenter tout le système, si l’opinion publique ne lui oppose pas un obstacle invincible. Nous, pour le seconder de tout notre pouvoir, votons l’impression de cet Essai, dont nous désirons qu’un exemplaire parvienne à la Convention, aux sections et aux sociétés populaires autant qu’il est possible… »

Dolivier, après avoir craint les foudres de l’aristocratie propriétaire, se risque donc à formuler cette théorie de la propriété qu’il avait annoncée en termes assez mystérieux dans sa note pour les habitants révoltés d’Étampes.

C’est sous le couvert, sous le patronage de bons agriculteurs qu’il hasarde son livre ; et il va s’appliquer, tout en ébranlant le droit de propriété de la terre, à éviter l’apparence de proposer cette loi agraire qu’un décret terrible de la Convention prohibait :

« Ce n’est que sur l’immuable justice que peut s’élever le véritable édifice de la félicité publique ; et vainement la chercherions-nous, cette justice, dans le monde moral que nous habitons ; elle ne s’y trouve point. Nous n’en avons que le fantôme qui se prête à toutes les formes que l’on veut qu’il prenne, chacun le façonne à son gré, et prétend ensuite nous le donner pour la justice même. À entendre les différents partis qui se l’approprient exclusivement, chacun est sûr de l’avoir pour soi. Il me semble voir des vendeurs d’orviétans crier, chacun de son côté : « Venez, c’est moi qui ai trouvé l’unique remède à tous les maux. » Chaque classe de citoyens ne voit que d’après le prisme de son intérêt particulier et soutient que ce qu’il voit est essentiellement la justice. Des riches possesseurs la font consister dans ce qu’ils appellent leur propriété ; les pauvres, dans un partage agraire qu’ils convoitent ; les uns et les autres ont tort : la justice est tout autre chose.

« …Il y a deux sortes de propriétés : la propriété naturelle et la propriété civile. La propriété naturelle ne s’étend pas au delà de la personne de chaque individu ; c’est le droit qu’il a de jouir de son être et de ses facultés.