Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/856

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et contre-révolutionnaires, pourrait être la solution suprême, en tous cas l’expédient forcé de salut. Et il y a un haut intérêt historique à constater ces moments collectivistes de la pensée et de l’action révolutionnaires. C’est à propos de la résistance au maximum, dont la municipalité de Paris avait organisé l’application avec un juste empressement, que Chaumette s’indigne dans la séance de la Commune du 14 octobre.

« L’exécution de la loi qui fixe le prix des denrées et marchandises de première nécessité éprouve des difficultés. La cupidité de certains marchands, la mauvaise foi des spéculateurs, devait trouver encore des partisans. Parmi les marchands de Paris, les uns ont voulu éluder la loi, parce qu’ils ont prétendu qu’ils n’y étaient pas compris ; d’autres ont argumenté des omissions et des erreurs qui se sont glissées dans le tarif que la municipalité a fait faire, en exécution de la loi. L’espace de temps qui y a été employé était trop court pour qu’il pût être parfait ; d’autres marchands, enfin, ont divisé les marchandises entre leurs parents et leurs amis, et lorsqu’on se présente chez eux, ils disent qu’ils n’en ont point.

« Je ne parlerai point des marchands détaillistes, j’attaquerai seulement les gros marchands, banquiers et commanditaires, ces sangsues du peuple qui ont toujours fondé leur bonheur sur son infortune. On se rappelle qu’en 1789, et les années suivantes, tous ces hommes ont fait un très grand commerce, mais avec qui ? avec l’étranger. On sait que ce sont eux qui ont fait tomber les assignats (Chaumette reproduit ici assez maladroitement la thèse de Fabre d’Églantine), et que c’est au moyen de l’agiotage sur le papier-monnaie qu’ils se sont enrichis.

« Qu’ont-ils fait après que leur fortune a été complète ? Ils se sont retirés du commerce, ils ont menacé le peuple de la pénurie des marchandises ; mais s’ils ont de l’or et des assignats, la République a quelque chose de plus précieux, elle a des bras ; ce sont des bras et non pas de l’or qu’il faut pour faire mouvoir les fabriques et manufactures. Eh bien ! si ces individus abandonnaient les fabriques, la République s’en emparera et elle mettra en réquisition les matières premières. Qu’ils sachent qu’il dépend de la République de réduire, quand elle le voudra, en boue et en cendres l’or et les assignats qui sont entre leurs mains. Que le géant du peuple écrase les spéculations mercantiles ! »

Ce n’est là, il est vrai, qu’une menace et une sorte de pis-aller. Chaumette ne paraît pas concevoir que la mise en œuvre nationale et républicaine des forces de production serait, même normalement, supérieure à l’exploitation privée. C’est à défaut de celle-ci qu’il prévoit l’organisation de l’industrie en service public.

Mais les idées ne perdent pas de leur valeur à jaillir ainsi de la force des choses plutôt que d’une pensée systématique. Elles ont par là un sens révolutionnaire plus direct. D’ailleurs, ce n’était pas un effet de séance. Et il donna