Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/865

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Bourdon, quelques autres encore, décident l’évêque de Paris, Gobet, à venir à la Convention abjurer ses fonctions. C’était le 7 novembre. D’autres abjurations suivirent. Des prêtres en foule envoyaient leurs lettres de prêtrise, ou par entraînement révolutionnaire, ou parce que l’Évangile, décoloré peu à peu par eux de ses teintes surnaturelles, se confondait, en une sorte d’équivoque grisâtre, avec la Déclaration des Droits de l’Homme ; ou pour se débarrasser d’une fonction tous les jours plus difficile et plus fausse, ou encore par lâcheté.

Fac-similé de l’ordre d’arrestation de Rouget de l’Isle, donné par le Comité de Salut public.
(D’après un document des Archives nationales.)

Chaumette triomphait, et la Commune, ne voulant pas laisser chômer l’imagination du peuple, instituait une grande fête civile pour remplacer les fêtes religieuses. Elle proclamait le culte de la Raison, et le 10 novembre, à Notre-Dame, devant la statue de la liberté, « élevée en lieu et place de la ci-devant Sainte-Vierge », des voix célébrèrent l’affranchissement de l’homme. La Convention, invitée le soir à une réédition de la fête, se rendit en corps à Notre-Dame. La Raison (c’était la citoyenne Momoro) descendit de son trône et elle embrassa le président de la Convention, Laloi. L’hébertisme semblait maître de Paris et de la Révolution.

Certes, il pouvait y avoir quelque grandeur dans cette tentative radicale et brutale de déchristianisation et on entrevoit la justification théorique qui peut en être essayée. L’esprit humain porte un lourd fardeau de super-