Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/867

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« Art. 5. — Le lieu commun où leurs cendres reposeront sera isolé de toute habitation, planté d’arbres sous l’ombre desquels s’élèvera une statue représentant le Sommeil. Tous les autres signes seront détruits.

« Art. 6. — On lira sur la porte de ce champ consacré par un respect religieux aux cendres des morts, cette inscription : « La mort est un sommeil éternel ».

Au fond, c’était un arrêté modéré. Il respectait la liberté des croyances et même la liberté des cultes. Je sais bien que l’inscription : « La mort est un sommeil éternel », a la prétention d’être une formule matérialiste, et on a pu dire ainsi que c’était le matérialisme officiel, obligatoire pour les morts sinon pour les vivants. À vrai dire, l’inscription est plus enfantine qu’agressive. Elle est encore plus antiscientifique qu’antichrétienne. Le sommeil est une fonction de la vie : la mort en est la dissolution. Parler de sommeil, c’est encore flatter le besoin de survivance : c’est prolonger la forme de la vie, enveloppée seulement de silence et de repos. La mort est plus dramatique et plus poignante, elle est la dissolution de la forme, la dissolution de la conscience. L’homme se demande si cette dissolution est apparente ou réelle, provisoire ou définitive. C’est là le problème de la mort. Il serait trop commode de l’éluder par un mythe aussi enfantin que les conceptions du sauvage. Au demeurant, l’arrêté de Fouché respectait (il ne pouvait pas y toucher) l’organisation officielle et constitutionnelle du culte. Il se bornait à refouler tous les cultes à l’intérieur de leurs temples. C’est une loi de police des cultes ; ce n’est pas une loi bien décisive et bien profonde. La Commune de Paris s’engagea plus avant, et le 17 novembre elle prit un arrêté, sur le réquisitoire de Chaumette, qui supprimait, en fait, la liberté des cultes.

« Le Conseil arrête :

« 1o Que toutes les églises ou temples de toutes religions ou de tous cultes, qui ont existé à Paris, seront sur-le-champ fermés ;

« 2o Que tous les prêtres ou ministres de quelque culte que ce soit demeureront personnellement et individuellement responsables de tous les troubles dont la source viendrait d’opinions religieuses ; que celui qui demandera l’ouverture soit d’un temple, soit d’une église, sera arrêté comme suspect… »

Évidemment, si ce n’est pas la suppression du culte domestique très difficile à atteindre, c’est la suppression révolutionnaire du culte collectif. La messe publique est supprimée ; la messe privée est bien près d’être assimilée à une manœuvre suspecte et clandestine. C’est bien la fin de tous les cultes. Et on pouvait attendre de la Commune qu’après avoir pris un arrêté aussi hardi, qui révolutionnait le fond même de la vie et qui allait soulever ou des réclamations violentes ou d’innombrables protestations muettes, on pouvait attendre d’elle qu’elle le défendît délibérément, qu’elle s’appliquât à en faire comprendre le grand sens et l’audace nécessaire. Quand on affronte les siècles il faut être prêt à un long et rude et douloureux combat. Mais Robespierre