Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/956

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venir. L’assignat ou retiré complètement de la circulation ou relevé et maintenu au pair par un retrait partiel, la crise des prix prenait fin ; et tout le terrorisme économique des lois sur les marchandises et les denrées se résolvait peu à peu comme le terrorisme politique.

Dès que cette politique, hautement proclamée, adoptée par le Comité de Salut public, par la Convention, par les sociétés populaires, par la nation révolutionnaire, aurait pris consistance et autorité, dès que les victoires nouvelles sur lesquelles il était permis de compter lui auraient donné des chances prochaines, le Comité de Salut public devait demander à la Convention si l’heure n’était point venue de mettre un terme au gouvernement révolutionnaire et d’appliquer la Constitution.

Comment douter que le pays, recevant dans l’éclat de la victoire l’espérance de la paix vigoureusement défendu contre toute tentative contre-révolutionnaire du dedans et du dehors, mais rassuré aussi contre la continuation indéfinie du régime révolutionnaire, envoyât une assemblée passionnément acquise à l’ordre nouveau ?

Oui, en Germinal et Floréal 1794, après l’écrasement des factions extrêmes et rivales, après l’écrasement des révoltés de Lyon, de Marseille, de Toulon, de Vendée, après le rayonnement prolongé des victoires d’Hondschoote, de Watignies, d’Alsace, après le rétablissement de l’assignat presque au pair, après l’immense et glorieux effort du Comité de Salut public investi d’un prestige immense, oui, cette politique optimiste et confiante était possible. La faute presque criminelle des dantonistes fut de compromettre cette politique au moment même où on commençait à l’entrevoir ; ils la compromirent en en faisant un moyen d’intrigue contre le Comité de Salut public sans lequel elle était impraticable. Ils la compromirent en lui donnant je ne sais quel air de désaveu de soi-même et de mea culpa.

Mais aujourd’hui, le gouvernement révolutionnaire triomphant pouvait affirmer cette politique en la réglant. Il pouvait la proclamer, non comme un dernier désaveu de la Révolution, mais comme l’effet même de ses victoires. Si cette politique était possible, elle était surtout nécessaire.

Hors de là, il n’y avait qu’inquiétude des esprits surmenés devant lesquels aucune porte ne s’ouvrait. La continuation systématique de la guerre dévorant les ressources du pays, suscitait des mécontentements nouveaux, préparés pour des réactions nouvelles ; et la Terreur, après avoir écrasé les factions nettement constituées, s’affolait à poursuivre les velléités vagues et les complots incohérents ; une menace effroyablement diffuse enveloppait toute vie, et la Révolution, comme un aveugle exaspéré, se frappait elle-même jusqu’à épuisement.

La politique d’apaisement révolutionnaire pratiquée non pas contre la Révolution mais pour elle, non pas contre les révolutionnaires mais pour eux, c’était bien la seule issue. Je crois qu’elle était nécessaire : je crois