Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/973

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veille avait été expulsé des Jacobins, Panis s’opposent à ce qu’il soit envoyé aux départements. Charlier veut amener Robespierre à prononcer des noms : « Quand on se vante d’avoir le courage de la vertu, il faut avoir le courage de la vérité. Nommez ceux que vous accusez. »

Si Robespierre les nommait, si peu nombreux qu’ils fussent, comme ils représentaient toutes les tendances de la Convention, toute la Convention se sentirait menacée. Mais s’il n’osait pas les nommer, quelle solution espérait-il ? Il garde le silence. Briard le dessaisit en quelque sorte de sa dictature incertaine par un mot qui rétablissait le pouvoir de la Convention :

« C’est un grand procès à juger par la Convention elle-même. »

Et la Convention décida que le discours ne serait pas envoyé aux départements. Robespierre avait fait l’essai de sa force morale. Elle n’avait pas suffi à dompter la révolte des Conventionnels menacés. Il était perdu. Il dit le soir aux Jacobins, après avoir lu le discours qu’il venait de prononcer à la Convention : « C’est mon testament de mort ».

Saint-Just, rappelé de l’armée, est sollicité, dans la nuit tragique du 8 au 9 thermidor, par les ennemis de Robespierre, par la fraction du Comité de Salut public dont Billaud-Varennes était le chef. Saint-Just ne voulut point trahir Robespierre ; mais il chercha une transaction. Il reconnut que Robespierre avait eu tort de s’éloigner longtemps des séances du Comité de Salut public ; mais il accusa Billaud-Varennes et Collot d’Herbois d’avoir cherché, en l’absence de Robespierre aigri, de Saint-Just délégué aux armées, de Jean Bon Saint-André toujours sur les côtes ou en mer, de Couthon malade, à s’emparer du gouvernement révolutionnaire. Son plan semble avoir été de renouveler le Comité de Salut public, de l’élargir pour en faire disparaître l’esprit de coterie, et de ranimer, par ce renouvellement même, la puissance de la Convention. Mais l’heure n’était plus à des projets transactionnels qui n’auraient rassuré personne : qui dominerait en effet dans le Comité renouvelé ou complété ? et qui tiendrait la hache ?

Saint-Just, le 9 thermidor, ne peut lire que les premières lignes de son discours. Entre Robespierre et ses ennemis la bataille est engagée à fond. Billaud-Varennes et Tallien mènent le combat.

Dès que Saint-Just, au début même de son discours, fit allusion à ses controverses avec Billaud-Varennes : « La confiance des deux comités m’honorait, mais quelqu’un cette nuit a flétri mon cœur », Billaud-Varennes l’interrompit avec violence, et s’empara de la tribune.

« Sachez, citoyens, s’écria-t-il, qu’hier le président du tribunal révolutionnaires a proposé ouvertement aux Jacobins de chasser de la Convention tous les hommes impurs, c’est-à-dire tous ceux qu’on veut sacrifier ; mais le peuple est là, et les patriotes sauront mourir pour défendre la liberté.

« — Oui, oui, s’écrient un grand nombre de Conventionnels… »

Billaud-Varennes reprend :