Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/978

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gnifique prestige de l’idée et le prestige nécessaire de la victoire ; et ils ont donné à la France et au monde un si prodigieux élan vers la liberté que, malgré la réaction et les éclipses, le droit nouveau a pris définitivement possession de l’histoire.

Ce droit nouveau, le socialisme le revendique et s’y appuie. Il est au plus haut degré un parti de démocratie, puisqu’il veut organiser la souveraineté de tous dans l’ordre économique comme dans l’ordre politique. Et c’est sur le droit de la personne humaine qu’il fonde la société nouvelle, puisqu’il veut donner à toute personne les moyens concrets de développement qui seuls lui permettront de se réaliser toute entière.

C’est en pleine lutte que j’ai écrit cette longue histoire de la Révolution jusqu’au 9 Thermidor ; lutte contre les ennemis du socialisme, de la République et de la démocratie ; lutte entre les socialistes eux-mêmes sur la meilleure méthode d’action et de combat. Et plus j’avançais dans mon travail sous les feux croisés de cette bataille, plus s’animait ma conviction que la démocratie est, pour le prolétariat, une grande conquête.

Elle est tout ensemble un moyen d’action décisif, et une forme-type selon laquelle les rapports économiques doivent s’ordonner comme les rapports politiques. De là la joie passionnée avec laquelle j’ai noté l’ardente coulée de socialisme qui sortait comme d’une fournaise de la Révolution et de la démocratie.

Nous sommes, en un grand sens, au sens où l’entendait Babeuf évoquant Robespierre, le parti de la démocratie et de la Révolution. Mais nous n’avons pas immobilisé et glacé celle-ci. Nous ne prétendons pas figer la société humaine dans les formules économiques et sociales qui prévalurent de 1789 à 1793 et qui répondaient à des conditions de vie et de production aujourd’hui abolies. Trop souvent les partis démocratiques bourgeois se bornent à recueillir au pied du volcan quelques fragments de lave refroidie, à ramasser un peu de cendre éteinte autour de la fournaise. C’est dans des moules nouveaux que doit être coulé l’ardent métal.

Le problème de la propriété ne se pose plus, ne peut plus se poser comme en 1789 ou en 1793. La propriété individuelle pouvait apparaître alors comme une forme et une garantie de la personnalité humaine. Avec la grande industrie capitaliste, l’association sociale des producteurs, la propriété commune et collective des grands moyens de travail est devenue la condition de l’universel affranchissement. Et pour arracher la Révolution et la démocratie à ce qu’il y a de suranné maintenant et de rétrograde dans les conceptions bourgeoises, une forte action de classe du prolétariat organisé est nécessaire.

De classe et non pas de secte, car c’est toute la démocratie, c’est toute la vie que le prolétariat doit organiser, et il ne peut organiser la démocratie et