Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/199

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contre. Les républicains de toutes nuances, Victor Hugo, dont le discours fut traduit en plusieurs langues et tiré à des centaines de milliers d’exemplaires, Jules Favre, Emmanuel Arago, Pascal Duprat, essaient de faire un départ difficile à opérer nettement entre l’esprit religieux et l’esprit clérical ; ils acceptent la doctrine chrétienne ou tout au moins la doctrine spiritualiste, qui en est un résidu ; ils reconnaissent l’immortalité de l’âme et l’existence d’un monde meilleur ; ils veulent qu’on enseigne ces dogmes dans les écoles de l’État et ils consentent volontiers qu’il y ait des écoles libres à côté, mais ils dénoncent les ambitions, les tyrannies, les crimes de l’Église catholique et lui reprochent surtout d’être l’ennemie de la Science, celle qui, par tradition et par conviction ne peut admettre la libre recherche de la vérité. Ils réclament l’accès égal pour tous aux sources du savoir et c’est à cette occasion que Victor Hugo proclame le droit de l’enfant, « plus sacré que celui du père ». Barthélemy-Saint-Hilaire défend surtout les droits de l’État en matière d’éducation. Wallon, pris entre ses deux amours, l’Église et l’Université, accuse le soi-disant concordat conclu entre elles de cacher un piège, d’être un contrat léonin qui dépouille la seconde au profit de la première. Mgr Parisis, évêque de Langres, subit avec résignation une loi qui a le tort de contenir le principe de l’enseignement officiel et laïque. L’abbé Cazalès la combat résolument. Mais elle trouve de vigoureux champions. Tandis que Molé agissait dans l’ombre, Montalembert, une fois de plus, joua de la peur rouge et de la nécessité d’unir toutes les forces conservatrices pour le salut de la société. Thiers, avec une magnifique impudence, soutint que l’Université sortait, de cette refonte, agrandie et consolidée. En vieux routier des batailles parlementaires, il sut utiliser l’opposition de quelques catholiques pour démontrer aux indécis que le projet ne faisait aucune faveur à l’Église. Le passage à la discussion des articles fut voté par 455 voix contre 187. Les républicains étaient abandonnés par les bonapartistes, leurs alliés d’un jour. Quoique Louis Bonaparte eut approuvé le discours de Victor Hugo, le ministre Parieu avait apporté la franche adhésion du gouvernement. A quoi était due cette volte-face du parti de l’Élysée ? On ne saurait le dire de façon précise. Faut-il croire que l’intervention de Montalembert, venant le 20 Décembre appuyer de son autorité le rétablissement de l’impôt sur les boissons, aboli par la Constituante, mais redemandé par Fould, le banquier ministre des finances, rescella l’union un instant ébranlée du parti de l’ordre ? Ou bien était-ce assez, pour opérer la réconciliation du groupe catholique avec le président, de la recrudescence socialiste qui se manifesta dans les premiers mois de 1850 ?

Quoi qu’il en soit, au cours de la deuxième et de la troisième délibération, les amendements imaginés soit par les catholiques intransigeants, soit par les républicains (exclusion des évêques du Conseil supérieur ; nomination de ce Conseil par l’Assemblée ; effort pour déposer dans la loi, en vue de