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le dîner. Dans son arrêté du 21 messidor an II (9 Juillet 1794) fixant le maximum pour les salaires, le Conseil général de la Commune de Paris se bornait à dire pour la durée du travail : « Art. 6. — Les ouvriers, ouvrières, charretiers et autres seront tenus de se conformer, pour les heures de travail, aux usages constamment suivis dans chaque état en 1790 ». Quels étaient les usages à cette date ? Sans doute les vieux usages.

Dans le Dictionnaire des arts et métiers mécaniques de l’Encyclopédie méthodique, on voit, pour les peintres en bâtiment, que les compagnons « commenceront leur journée à 6 heures du matin pour la finir à 7 heures du soir, en sorte qu’elle soit de onze heures de travail » (t. VI, p. 137), ce qui comportait deux heures pour les repas, et ce règlement se retrouve pour d’autres corporations, les imprimeurs par exemple. Dans les Métiers et corporations de la Ville de Paris, de René de Lespinasse, on lit que les compagnons sculpteurs, marbriers, doreurs et gens d’impression « doivent commencer leurs journées en tous temps à 6 heures précises du matin », déjeuner de 8 heures à 8 heures et demie, dîner de midi à une heure, et « ne doivent finir leurs journées qu’à 7 heures du soir sonnées, en sorte que la journée soit de onze heures et demie de travail » (t. II, p. 220). On trouve encore ces mêmes heures pour certaines corporations, on trouve assez fréquemment pour d’autres de 5 heures du matin à 7 du soir, avec probablement une heure et demie d’arrêt pour les repas comme ci-dessus — la chose n’est pas toujours précisée — ce qui faisait une journée de douze heures et demie de travail effectif. À une pétition du 2 juin 1791 adressée à l’Assemblée constituante par les maîtres maréchaux, les ouvriers répondirent en disant qu’ils travaillaient de 4 heures du matin à 7 heures du soir, le temps des repas déduit, et ne gagnaient que trente sous : ils demandaient la réduction de leur journée et l’augmentation de leur salaire (Martin Saint-Léon, Le Compagnonnage, p. 72). Enfin, pour d’autres, la journée était de seize heures, évidemment y compris le temps des repas ; ce fut le cas des ouvriers relieurs qui s’efforcèrent d’obtenir la journée de quatorze heures (Germain Martin, Les associations ouvrières au xviiie siècle, p. 143). De ces exemples il résulte que la journée de travail variait suivant les professions et aussi suivant les localités et les époques.

Pour ma période même, en dehors d’un mémoire daté du 29 thermidor an II (16 août 1794), où les « administrateurs du département de Paris » rendaient compte de la situation générale des ateliers de filature établis, en vertu de la loi du 30 mai 1790, pour occuper les femmes sans moyens d’existence et les enfants des deux sexes — or il ne dut pas y avoir plus de faveur, sous le rapport du temps de travail, dans ces ateliers publics comparés aux ateliers privés, qu’il n’y en eut, sous le rapport du salaire, lorsque, à ces ateliers publics, on substitua le travail à domicile (fin du chap. vii) — et où on lit : « Le travail des ateliers commence en hiver à sept heures et en été