Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/587

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président du Directoire, eut lieu à huit heures du matin. Le procès-verbal porte : « Le citoyen Lemercier, président, occupe le fauteuil. Les citoyens Chabot et Delneufcourt, secrétaires, sont au bureau ; les citoyens Delecloy et Lejourdan, ex-secrétaires, occupent les places des deux secrétaires absents ». À l’ouverture de la séance. Cornet déclama en termes aussi impudents que grotesques sur la nécessité de prendre des mesures immédiates pour soustraire la République au péril de la prétendue conspiration des Jacobins armés de poignards ; il invita les Anciens à transférer le siège du Corps législatif à Saint-Cloud, où les deux Conseils se réuniraient à midi le lendemain 10 (10 novembre), et à charger Bonaparte « de l’exécution » en plaçant à cet effet sous ses ordres toutes les troupes de la 17e division militaire. En prévision de cette mesure, Bonaparte avait fait, le 17 (8 novembre), convoquer chez lui, rue de la Victoire, pour le lendemain à sept heures du matin, les généraux de la garnison de Paris et de nombreux officiers, tandis que, grâce à la complicité de Sebastiani et de Murat, de nombreuses troupes de cavalerie occuperaient les Champs-Élysées et le jardin des Tuileries, tout cela afin de mettre ses actes d’accord avec ses paroles, afin de « donner l’exemple du respect pour les magistrats et de l’aversion pour le régime militaire qui a détruit tant de républiques et perdu plusieurs États » (Correspondance de Napoléon Ier, t. III, p. 497, lettre du 19 vendémiaire an VI-10 octobre 1797 au Directoire). Il avait, en outre, fait remettre très tard dans la soirée à Gohier, qui en a publié le fac-similé en tête de ses Mémoires, une lettre de Joséphine l’invitant avec sa femme à déjeuner chez elle le lendemain 18 (9 novembre) « à huit heures du matin ». Bonaparte comptait que l’état-major réuni autour de lui intimiderait le président du Directoire qui se laisserait, dès lors, arracher son adhésion ou, tout au moins, sa démission. Mais Gohier, malgré sa candeur, fut si surpris de l’étrange invitation de Joséphine qu’il se borna à envoyer sa femme ; cette méfiance tardive ne devait pas le sauver.

Le président des Anciens, Lemercier, avait rapidement mis aux voix le projet de décret de Cornet, suivi d’une « proclamation aux Français » ; ce vote enlevé, deux des inspecteurs. Cornet et Baraillon, s’étaient rendus auprès de Bonaparte afin de le prévenir de la nomination qu’il attendait et de lui annoncer que le Conseil des Anciens, sans se préoccuper de la promulgation de sa résolution par le Directoire, le mandait à sa barre pour recevoir son serment. Aussitôt après leur visite, Bonaparte montait à cheval et, escorté par les généraux et les officiers qui se trouvaient auprès de lui et qu’il avait gagnés à sa cause, il se rendait aux Tuileries. Devant les Anciens, vers les neuf heures, il éluda la formule de serment à la Constitution et un homme que nous avons vu enthousiaste de Bonaparte (début du chap. xx), mais qui n’était pas du complot, Garat, ayant commencé à en faire l’observation, le président lui retira la parole parce que la Constitution interdisait, le décret de translation une fois rendu, de délibérer à Paris ; or ce strict observateur de