Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/212

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dié par une ordonnance que M. de Villèle obtint aussi aisément du roi malade et vieilli qu’il avait obtenu la nomination.

Ainsi, et surtout par la brutalité et la soudaineté de l’exécution, M. de Villèle se donnait un ennemi éclatant. Cet ennemi était tolérable, même par ses intrigues, quand il était retenu dans les entraves du pouvoir. Restitué à la liberté, il devenait, par la passion, la véhémence, l’éloquence, un adversaire formidable. Tout de suite Chateaubriand commença la lutte dans le Journal des Débats qui fut ravi par lui à la cohorte des journaux ministériels. Il accusa avec frénésie le ministère d’attenter à la liberté ! Il était temps vraiment que Chateaubriand s’en aperçût, et sa clairvoyance tardive ne pouvait que lui attirer une question : pourquoi avait-il, comme ministre, supporté toutes ces violations de la liberté, et si, depuis qu’il était journaliste, elles étaient devenues pour lui plus cruelles, c’est donc qu’il ramenait tout à son immense orgueil ? Cette observation qui fut dans les esprits, même les plus simples, désarma, pour un moment, sinon sa fureur, au moins l’effet de cette fureur. Ce n’était d’ailleurs là qu’un incident de second ordre et dont la conséquence politique se devait montrer plus tard.

Satisfait de cette exécution qui soulignait sa maîtrise, M. de Villèle chercha à la Cour des pairs un facile triomphe en faisant voter la loi de septennalité. Par là, on entendait le prolongement du mandat parlementaire pendant sept années. Le vote fut facilement obtenu. Le débat ramena la question qui sera aussi durable que le parlementarisme et qui est de savoir quelle doit être, pour le bien public, la durée du mandat politique. À vrai dire, la question change avec le régime. Dans une monarchie pareille à celle que Louis XVIII représentait, des élections fréquentes sont nécessaires : car l’élection est, si restreint et si asservi que soit le corps électoral, le seul procédé qu’a ce pouvoir de connaître l’opinion. Dans une démocratie où toutes les manifestations sont permises, une élection chaque année et par représentation partielle serait la plus vaine des agitations. En principe, l’apprentissage parlementaire exige une durée assez longue et, de plus, l’opinion a le droit de pénétrer dans une Chambre, d’un coup, si elle le peut, sans soumettre ses passions et ses intérêts au crible de l’élection partielle… La septennalité fut votée.

Ce triomphe léger ne suffit pas à M. de Villèle pour qu’il se tînt satisfait. La réaction se fit plus sévère : on rétablit la censure, les journaux furent décimés par les poursuites et, en même temps, enchaînés par des liens dorés du pouvoir. On acheta tout ce qui s’offrit et la sévérité légale frappa là où la vénalité avait été impuissante. Le scandale de la Quotidienne, feuille cependant ultra-royaliste, achetée en la personne de tous ses propriétaires moins un, Michaud, qui résista, fut chassé de chez lui par la police, fut condamné par la justice, enfin trouva des juges à la Cour, ce scandale retentissait encore quand, sans doute, par pitié pour l’histoire, le destin, plaça là, en septembre