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lande pour former les Pays-Bas, donnés au prince d’Orange. L’Autriche prit la Vénétie et la Valteline ; en Italie, le roi de Sardaigne, Gênes ; l’Angleterre, Malte, les îles Ioniennes, Heligoland, le Cap, Ceylan, l’Île de France.

La France ne recevait rien, naturellement. Mais ce traité, par l’égoïsme de la maison de Bourbon, lui devenait plus préjudiciable qu’il n’eût dû l’être.

En effet, les plénipotentiaires prussiens offraient de former, sur la rive gauche du Rhin, un État indépendant pour le roi de Saxe : c’était supprimer tout contact, par conséquent tout conflit avec la Prusse. Talleyrand refusa, au nom du principe de la légitimité. Ce congrès, qui avait eu la prétention d’établir l’équilibre européen, où, selon la théorie du XVIIIe siècle, les peuples avaient été violentés sans leur avis, était assis sur un partage cynique et précaire. La base durable manquait, qui est le Droit.

Le congrès finit ainsi le 11 mars : il était clôturé par une somptueuse réception donnée en l’honneur du souverain chez M. de Metternich. Soudain on vit se lever, décomposés, l’hôte et ses invités royaux. Une stupeur tragique figea les visages et un seul mot de bouche en bouche courut : Il est en France ! M. de Metternich venait d’apprendre, sinon la fuite de Napoléon qu’on savait depuis quelques jours absent de l’île d’Elbe et qu’on croyait en route pour les États-Unis, mais son débarquement sur la côte de Fréjus. La fête finit comme une déroute. Hâtivement, les diplomates se réunirent pour mettre Napoléon au ban de l’Europe. Restait à exécuter l’arrêt.


CHAPITRE III


LES CENT JOURS


De l’île d’Elbe à Paris. — Fuite de Louis XVIII. — Napoléon, la France et l’Europe. — L’acte additionnel. La Coalition. — Waterloo.— Rôle de Grouchy. — Napoléon et le Parlement. — La seconde abdication de Sainte-Hélène. — Jugement sur Napoléon.


Dans les huit derniers jours avant de quitter la France, en 1814, Napoléon, de Fontainebleau, avait pu mesurer, aux premiers ordres du comte d’Artois, sa capacité, et prévoir la longue série des fautes qui engendreraient, pour le régime, l’impopularité. De fidèles avis l’avaient rejoint à l’île d’Elbe, d’où il n’avait cessé de préparer son retour. Il paraît bien certain que ce retour fut hâté par les nouvelles venues de France et qui lui signalaient les fureurs de l’armée et la déception des citoyens, par les nouvelles que la princesse Pauline lui rapportait de Vienne, et qu’elle tenait elle-même de la société élégante et légère qui paradait autour du congrès. Aux derniers jours,