Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/40

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Le 10, devant les troupes du général Rostolan, les ouvriers de Bédarieux et aient contraints de se réfugier dans les forêts des Cévennes.

A l’Est, L’abstention de Marseille fit échouer le grand mouvement qui avait éclaté d’une manière spontanée dans les quatre départements provençaux : Var, Vaucluse, Bouches-du-Rhône, Alpes-Maritimes et Basses-Alpes. Les ouvriers marseillais, rassemblés en groupes menaçants, le soir du 3, n’attendaient qu’un signal : ceux qu’ils s’étaient habitués à considérer comme des chefs ne le donnèrent pas. L’histoire n’a pas encore éclairé le secret de cette inaction. Et cependant, dans tous les départements environnants, le mouvement contre le coup d’État, s’annonçait considérable. Ce fut bientôt une armée que la troupe formée par les républicains accourus de toutes les communes du Var : armée un peu bruyante, sans doute, amoureuse de pompe et de théâtre, foule provençale, applaudissant aux belles jeunes femmes drapées dans leurs manteaux bleus et coiffées du bonnet phrygien, mêlant de farandoles les fatigues de la lutte, mais prompte au découragement comme à l’enthousiasme ! Beaucoup prouvèrent pourtant qu’ils étaient capables d’héroïsme et moururent pour leur cause. Mais le commandement fit défaut ; le général-journaliste Camille Duteil était incapable. Après quelques combats, l’armée des insurgés fut mise en déroute et la terreur courba les têtes.

Le 5 Décembre, également sans hésitations, sans délibérations, avec un redoutable ensemble, la majeure partie des Basses-Alpes s’était soulevée. Avocats, médecins, notaires, le fusil sur l’épaule, avaient pris la tête des colonnes paysannes, pour marcher sur Digne, sur la préfecture. Chaque famille avait envoyé quelqu’un des siens. De Forcalquier, trois mille hommes partirent. Le dimanche, le 7, au milieu de l’enthousiasme général, les républicains étaient maîtres de Digne. Pensant que le Midi entier se levait en masse autour de Marseille, et pensant que la lutte allait partout s’engager pour la République, ils se mettaient à organiser le département. Ils voulaient que les Basses-Alpes fussent en état de fournir leur contingent, en hommes, en argent, pour la terrible lutte. Et, comme les hommes de 89, ils remaniaient dans le sens républicain et révolutionnaire, toute l’organisation départementale. Ils faisaient mieux : ils répondaient au vœu des paysans, ils leur donnaient ce qu’ils avaient toujours espéré et toujours attendu en vain de la République : la suppression de l’impôt des boissons. Mais hélas ! encore une fois, Paris était vaincu : Marseille ne s’était point soulevée ; et des troupes en arrivaient. La résistance obstinée du garde des forêts Aillaud ne pouvait arrêter le triomphe du président : la terreur, ici encore, allait rétablir l’ordre.

Et il en fut de même enfin dans les départements démocratiques de l’Ardèché et de la Drôme, dans ces régions soumises à l’état de siège depuis la découverte du complot de Lyon, mais où, malgré les saisies, les procès, les condamnations par contumace, les républicains étaient demeurés, cachés au