Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes de lettres, dévoués serviteurs du maître, Grauier de Cassagnac, le Dr Véron, M. de la Guéronnière et Belmontet suffisaient à donner du lustre à une pareille réunion. M. de Montalembert semblait seul perpétuer les souvenirs parlementaires dans cette assemblée dé clients.

La session dura trois mois (29 mars-28 juin). En une séance, le budget fut bouclé. Quelques discussions sur la réforme des monnaies, sur les interdictions de séjour, le monopole des tabacs et les économies irréalisables, occupèrent le reste du temps.

Cette première épreuve attestait le bon travail accompli par les préfets, les généraux, les magistrats. L’idéologie était bien morte ; la masse des Français n’aimait plus que son prince et les affaires.

Encore quelques fêtes, encore quelques discours, et le titre allait couronner l’œuvre. Le 16 octobre, le prince partit pour les départements. Encore une fois, en Alsace, au Centre, dans le Midi, il promit le calme intérieur et la paix à l’extérieur. Les bourgeois, les paysans, des ouvriers même criaient : « Vive l’Empereur ! » A Bordeaux, ce fut lui qui dit le mot fatidique : « L’Empire, c’est la paix ! »

Si l’Empire est la paix, qui, désormais, pourra bien faire quelque objection au rétablissement de l’Empire ? — Que Napoléon cède donc aux voix du peuple entier : c’est un combattant de février, c’est M. Berger, préfet de la Seine, qui, dans la fête du retour, l’en supplie. Qu’il reprenne la couronne de l’immortel fondateur de sa dynastie. « Ce n’est qu’avec le titre d’Empereur que vous pouvez accomplir les magnifiques promesses du magnifique programme que, de Bordeaux, vous venez d’adresser à l’Europe attentive, » Une foule bien stylée emplit les rues : des arcs de triomphe saluent « Napoléon III ». Il n’y a plus à hésiter : il faut céder « au mouvement national spontané qui porte le prince à l’Empire ».

Le Sénat est convoqué : c’est lui qui peut seul modifier la Constitution, sous réserve de l’approbation du peuple. Le 7 novembre, il rétablit « la dignité impériale dans la personne de Louis-Napoléon Bonaparte ».

Le 20 Novembre, le peuple approuve, « malgré les manœuvres de tous les partis pour empêcher ce vote » déclare l’innocent Moniteur. Le recensement du plébiscite donne 7.839.000 oui, 253,000 non. Le Sénat ratifie la volonté du peuple. Le savant M. Troplong règle, selon la loi salique, la succession au trône impérial. Et, le 1er  Décembre, au soir, dans leurs deux cents voitures, flanquées de porte-torches, les membres des Corps constitués s’en viennent solennellement saluer l’Empereur au château de Saint-Cloud.

Il y avait longtemps déjà que « l’Empire était fait. »