Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/298

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par haine des faubourgs, peur du socialisme, il pactisera dans la réaction avec l’Assemblée monarchique de Versailles. L’histoire de ces jours est malaisée à dégager. Il faut s’y risquer pourtant, afin que les responsabilités s’établissent et que son dû revienne à chacun.


LES MAIRES ET LE COMITÉ CENTRAL


La première tentative des maires pour s’immiscer dans les événements date de la journée même du 18.

En ce jour, les maires et adjoints, réunis avec les députés de la Seine à la mairie de la Banque, puis du Louvre, chargeaient douze d’entre eux de porter au gouvernement les propositions de conciliation suivantes, qui leur paraissaient de nature à enrayer le mouvement : 1o Nomination de Dorian à la mairie centrale de Paris ; 2o Nomination du colonel Langlois au commandement en chef de la garde nationale ; 3o Élections municipales immédiates ; 4o Assurance que la garde nationale ne serait pas désarmée. Favre reçut la délégation et, avec sa superbe habituelle, répondit : « Aucune concession ne peut être faite à l’émeute ; nous ne pactisons pas avec les assassins ». Réponse péremptoire, trop même, sans doute, car, à minuit, contre-ordre venait du ministère de l’Intérieur, de Picard, qui souscrivait ou à peu près aux trois premières conditions, et notamment investissait, avec l’agrément de Thiers, le colonel Langlois du commandement en chef de la garde nationale. L’intention se devine. Thiers, plus prudent que Favre, ne croyait pas l’instant venu de démasquer contre Paris toutes ses batteries. Il savait bien, au reste, qu’il jouait sur le velours, des concessions trop tardives n’étant jamais acceptées par un adversaire victorieux. En effet, le Comité central, comme nous l’avons relaté, se refusait à recevoir du gouvernement un chef qu’il entendait nommé par la garde nationale.

Le lendemain 19, c’est vers le Comité central que, par la force même des choses, la réunion des maires et des députés se retourne ; mais dès ce moment, notons-le, les maires et députés ont obtenu du gouvernement plein pouvoir pour l’administration civile de la capitale. Tirard, maire du IIe arrondissement et député à la fois, détient en poche le pouvoir signé : Ernest Picard, ministre de l’Intérieur. Les maires, les députés, quoiqu’ils disent et fassent, ne représentent donc que Versailles, dont ils ont mandat. Ils ne sont pas, ne peuvent pas être une puissance indépendante, autonome, s’interposant entre deux autres puissances en vue d’un arrangement. Ceci est important et il convient d’y insister. Nous n’avons pas affaire là à deux partis et à un troisième, à une façon de tiers-parti, mais à deux partis seulement : l’un, représenté à la fois à Versailles et à Paris ; l’autre, à Paris simplement. Que certains maires s’y soient trompés, que, même sans s’y tromper, ils aient pu croire jouer un rôle d’arbitres et de conciliateurs, c’est très possible ; mais